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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/199

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À mesure que grandit, en se distinguant, dans l’esprit populaire, l’idée de personnalité dans son application formelle à la divinité, l’idée de la chose dut se constituer corrélativement, et bientôt s’opposer à la première qui lui était d’abord unie. On n’apercevait pas, à la réflexion, la possibilité qu’une personne, quelque puissance qu’on pût lui supposer sans cesser d’en consulter le seul type connu, qui est l’homme, possédât des organes ou d’autres moyens capables de produire les phénomènes d’ordre général, objectif, encore moins de constituer le Ciel et la Terre, où ils ont leur siège. Et puis cet être, lui-même, d’où serait-il sorti ? Il est plus facile d’imaginer une matière où les êtres se font et se défont par le débrouillement et la coordination de certains éléments, et d’où émergent enfin des générations comme celles dont nous avons l’expérience, que de concevoir une intelligence supérieure qui nous éclaire avec le soleil et met sous nos pieds la vaste terre aux profondeurs inconnues. On prendra son parti plus aisément de croire qu’il a toujours existé quelque chose d’où sortent toutes choses, que de supposer une limite aux phénomènes, un commencement qui serait l’acte d’un Esprit créateur au delà duquel il ne serait rien de concevable. Car rien n’est si simple que la pensée de l’indéfini du temps passé, — l’indéfinité des phénomènes, dans le temps comme dans l’espace, étant la loi de l’expérience, — et, de cette pensée, on se laisse aller inconsciemment à celle de l’infinité en acte, ou terminée, qui en est la contradictoire, et, de plus, contradictoire en elle-même. La faculté logique n’est point, comme on pourrait le croire, celle qui gouverne le plus ordinairement les jugements humains, ou qui est en possession d’en dicter qui ne soulèvent pas d’opposition.