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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/210

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traverser les âges. Avec ce concept fondamental, entra dans le pythagorisme le principe de la limite comme condition de tout ce qui se réalise, et, essentiellement, de la perfection. Le Fini s’opposa ainsi à l’Infini, qui fut pris pour le caractère de l’indéterminé, du confus, et pour le symbole du mal, contrairement à la pensée d’Anaximandre et des principaux philosophes naturalistes. L’Idée, sous cette forme primitivement instituée, fut tenue, par l’application de la méthode réaliste la plus nette, pour une chose en soi, agent déterminant de la réalité des autres choses. Ce point de vue nous est devenu difficile à comprendre ; mais le fait constant d’une doctrine qui se donna pour premier principe une catégorie particulière, la relation numérique, posée comme l’essence même des choses, peut nous faire mesurer la force de la tendance à subjectiver. C’est d’elle que naît la méthode réaliste, pour s’appliquer à la constitution du sujet idéal auquel on donne la préférence sur toutes les autres.

L’idée réalisée atteint sa plus haute abstraction dans la philosophie éléatique, où elle ne s’arrête qu’en prenant pour sujet l’Être absolument parlant, sans multiplicité, sans changement, sans détermination. Le sujet dont la définition consiste ainsi à n’en avoir aucune répond au même concept que la copule est des grammairiens, qui sert à rapporter à l’être ses attributs ; le réaliser en ôtant les attributs, c’est réaliser la négation. Cet être sans relation de l’école d’Elée n’admettait pas même la distinction de la pensée d’avec son objet, et, en effet, il n’y a jamais que leur détermination qui puisse faire prendre un sens à leur distinction.

La thèse du sujet absolu explique aussi celle que les éléates soutenaient, de l’impossibilité de constituer ra-