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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/236

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lieu de cette réalité vraie, dont le nom, expression universelle du fait individuel et empirique par excellence, le Moi, devait tarder si longtemps à s’imposer aux philosophes, les partisans de l’immortalité de l’âme avaient, eux, l’idée de l’âme-substance, qui diffère beaucoup de l’idée de la personne, parce qu’elle se rapporte à l’image et au siège fictif, non à l’essence du moi, ou conscience. Ce siège, alors même que l’imagination ne le matérialise pas, prend l’aspect d’une chose, et de là la facilité donnée à la doctrine des métensomatoses, qui affaiblit chez ses sectateurs l’idée de la personne en les obligeant à regarder, d’une vie à l’autre, la mémoire comme perdue.

En théologie, les hypostases sont, nous l’avons vu, des fictions réalistes, et, dans la métaphysique du christianisme, où il leur est commandé de s’unir à la personnalité, qui appartient à Dieu, elles rendent ce Dieu un et personnel, non pas simplement incompréhensible, comme on le dit, mais inintelligible.

La domination à peu près exclusive du réalisme pendant le moyen âge, — car les nominalistes, qui le combattaient, n’avaient pas la liberté d’étendre plus loin que les questions logiques la critique des universaux, et devenaient hérétiques dès qu’ils la dépassaient, — n’était que le règne continué de cette méthode (réelle ou interprétée) prise des deux philosophes dont l’autorité était universellement reconnue à la fin de l’ère antique.

La philosophie moderne, après Descartes, prenant Dieu pour siège unique des idées, les a encore réalisées et rendues en quelque sorte étrangères à la conscience individuelle, pour qui elles sont des objets communiqués, non des modes propres de son être intellectuel. Pour