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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/237

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Spinoza, ce sont des modes mêmes de Dieu, et, pour Leibniz, des modifications qui n’appartiennent aux monades créées qu’à l’effet de s’y manifester spontanément, par institution divine, aux moments éternellement marqués, en se liant par une chaîne indissoluble à tous les phénomènes possibles, antécédents ou concomitants. Pour Malebranche, enfin, et pour Berkeley, les idées et les objets naturels qu’elles représentent sont des visions ou des perceptions que Dieu fait avoir aux esprits.

Après ces grands dogmatistes, Hume paraît, et, comme avaient fait les sceptiques anciens après Platon, Aristote et Zénon, restitue les idées et les formes à la conscience individuelle, mais c’est pour les y montrer à l’état de dissolution, incapables de s’unir et de recomposer leur propre sujet, le sujet conscient, non plus que le sujet extérieur d’où lui viennent les impressions qui le font se connaître. Enfin, par une réaction profonde, le criticisme kantien, ou, pour parler plus exactement, la métaphysique surmontant ce criticisme restaure les entités-substances, intronise le noumène, prétend démontrer l’existence de l’universel inconditionné.

Kant a introduit, par l’œuvre de ses disciples, un nouveau genre d’émanations et d’hypostases où rien ne manque excepté Dieu. C’est une grande différence qui sépare ces penseurs du néoplatonisme et du spinosisme, quoiqu’ils aient souvent reconnu l’affinité de leurs systèmes avec l’Éthique. La négation de toute individualité réelle est le point capital de concordance, mais le concept d’évolution est substitué à celui de l’éternelle actualité de Dieu et du monde, doctrine qui donnait au spinosisme une portée philosophique infiniment supérieure et un grand sérieux.

Les doctrines évolutionnistes de la substance ramè-