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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/282

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réelle, et qu’il peut juger illusoire quand il lui arrive de la mettre en question. C’est que, même en la jugeant illusoire, l’agent n’est pas maître de se dépouiller de ce sentiment, ou croyance pratique, comme on voudra le nommer, qui accompagne toutes ses délibérations, ainsi que ses jugements sur les actes d’autrui : il croit, on peut dire naturellement, à l’ambiguïté des futurs qu’il imagine en sa puissance, entre lesquels il n’a pas encore pris parti.

Si cette conscience empirique, au lieu de pouvoir seulement être mise en doute quant à la réalité de son objet, comme, en fait, elle le peut sans pour cela s’affaiblir, était remplacé chez l’homme par le sentiment direct et constant de faire en chaque cas la seule chose à faire, après avoir pensé la seule chose à penser, sans hésitation, sans aucune idée de choisir entre des possibles opposés, il est clair que le fait empirique lui-même de la comparaison et de la délibération portant sur les futurs devrait disparaître comme ne portant sur rien. Il ne resterait pas plus de raison d’être à la direction des opérations intellectuelles qu’aux notions morales sur la valeur des actes. La personnalité descendrait à la simple individualité animale ; toute action deviendrait action réflexe. Or l’intelligence en toutes ses fonctions et applications suppose cette même conscience des possibles dont la personnalité nous offre la haute forme chez l’homme ; les animaux ne la possèdent que comme une prévision fondée sur la crainte ou l’espoir, et sur l’association des idées d’après l’expérience acquise. L’idée d’une donnée universelle des choses où tous les rapports seraient certains, solidaires entre eux et invariables, en sorte que le possible et le nécessaire fussent identiques, et les distinctions purement imaginatives à cause de