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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/283

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l’indissolubilité de tous les modes de l’existence, cette idée, si l’on y joignait la suppression chez l’homme, de l’imagination du divers, de l’actuel, et du futur ambigu, principe de l’illusion, deviendrait celle d’un monde où l’intelligence délibérative n’aurait aucun emploi et devrait disparaître comme inutile. Supposons que, dans un tel monde, les êtres conscients se trouvassent entièrement fixés, chacun dans les limites de sa connaissance inadéquate des choses, et que leurs besoins, leurs désirs, leurs satisfactions quelconques fussent exactement adaptés à la nature extérieure, en leurs milieux respectifs, de telle manière que nulle pensée relative à des possibilités différentes des phénomènes actuels, nul examen et nul choix, par conséquent, ne pussent jamais entrer dans leurs représentations et dans leurs affections ; il est clair que la vie mentale serait, aussi bien que la vie physique, complètement automatique pour tous, même dans la supposition, qu’on ajouterait, que leurs connaissances positives et leurs modes spontanés de sensibilité et de sentimentalité atteignissent un degré de développement aussi élevé qu’on le peut imaginer. Nous disons que des personnes ainsi privées des idées de possibilité diverse, et d’alternative représentable dans le changement, descendraient à la simple individualité animale ; mais la vérité est qu’elles descendraient beaucoup plus bas, à ne regarder pour elles que l’ordre intellectuel de comparaison et d’examen, parce qu’elles ne connaîtraient pas cet exercice de la mémoire et de la prévision que les passions seules motivent chez les animaux, auxquels l’expérience apprend, par les signes du présent, ce qu’ils ont à attendre de bien ou de mal dans un avenir prochain. L’être qui n’aurait seulement pas cette idée élémentaire du possible, dont l’incertitude