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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/164

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LA DERNIÈRE AVENTURE

pendant une querelle que lui faisait ma mère… O monsieur d’Aigremont ! je me jette entre vos bras ! soyez tout, tout pour moi et, pour m’être davantage, soyez… père… amant… mari !… »

Dieu tout puissant, tu ne m’as pas fait une âme pour résister à cela !

Elle agit ce jour-là en conséquence de la prière qu’elle venait de me faire… et mes serments d’un attachement éternel redoublèrent. (J’atteste le ciel combien ils étaient sincères !) « Être aimé de toi, ma belle Sara, lui disais-je, c’est être un dieu ! le bonheur est dans tes bras ; laisse-moi goûter le bonheur, que je fixe au moins quelques instants cet éclair, qui ne jette souvent un éclat de lumière sur les faibles mortels, que pour les plonger ensuite dans une obscurité plus profonde !… Je suis heureux et je te le dois ! à toi, à toi, ma Sara, celle de toutes les créatures, à qui j’aime mieux le devoir !… Qui peut oublier de pareils instants ! Comment deux cœurs qui se sont confondus, pourront-ils exister autrement que l’un pour l’autre… Non, non, je n’ai désiré le bonheur suprême que pour t’aimer davantage, que pour être plus à toi, pour qu’il n’y ait plus au monde de femme qui doive m’être aussi chère… Voilà ma divinité, car elle me rend heureux ; voilà Sara ! ce mot renferme tous les éloges : il exprime tout ce qu’il y a de plus parfait dans la nature, ce que j’aime le mieux et ce qui est plus digne de l’être ! — Tu sais bien aimer ! jamais je n’ai trouvé de cœur comme le tien, me répondit-elle, aussi jamais tendresse ni confiance n’égaleront ma confiance et ma tendresse !… si tu es heureux, je partage ton bonheur. — Tu le causes, ma Sara, il est ton ouvrage ! — Il me sera plus doux d’en jouir avec toi et par toi… — Tu m’aimes ! — Je t’adore. — Toi, Sara ! — Oui, c’est de l’amour que j’éprouve ; je le sens, je te le jure. — Peut-être, hélas ! vaudrait-il mieux… — Comment ! toi, si délicat, tu te contenterais d’un autre sentiment ! Ah mon ami ! tu te trompes ! tu es aveugle sur le vœu de ton cœur ! C’est de l’amour que le tien exige, et j’ai le bonheur de pouvoir t’en offrir ! — Est-ce un songe, grand