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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/172

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LA DERNIÈRE AVENTURE


joie, en m’apercevant, brilla dans les yeux de Sara. « Que je me suis ennuyée en t’attendant, me dit-elle ; tout me déplaisait, et tout me paraît charmant à présent que mes yeux, avant de le voir, se sont reposés sur toi !  » En effet, je l’avais vue triste avant qu’elle pût me découvrir, et elle devenait de la plus aimable gaité depuis mon arrivée. À notre retour j’éprouvai encore la sensation délicieuse de me sentir baiser la main dans l’escalier.

Ce fut à cette époque, c’est-à-dire dans le temps où Sara m’était le plus chère, qu’il se présenta pour elle, par mon moyen, une occasion très avantageuse. Un de mes amis, garçon, jouissant d’une fortune considérable, un jour que j’avais dîné chez lui, me confia l’état de son âme, et me montra qu’il était malheureux. Je fus également touché de sa peine et du désir de donner un ami vertueux à Sara que j’en croyais la plus digne qui fût au monde. Je parlai d’elle avec enthousiasme et, dans l’excès de mon amour pour elle, je résolus de me sacrifier. Je croyais le pouvoir. Mon ami demandait une amie, une fille, une héritière ; ce fut son expression ; en un mot, une personne qui fit éprouver à son cœur flétri les douceurs d’un tendre attachement. La plus grande partie de sa fortune devait marquer sa reconnaissance. Je pensais que je ne pouvais pas, sans un coupable égoïsme, priver Sara d’un si grand avantage ; nous primes jour, mon ami et moi, pour la lui montrer ; et je courus en le quittant, annoncer, transporté de joie, cette heureuse nouvelle à Sara. Elle refusa, mais faiblement. Je combattis ses scrupules et elle se rendit, en me remerciant. Ce moment parut pour moi celui où j’étais le mieux dans son cœur. Cette affaire ne réussit pas, mais j’en ai fait une histoire particulière, à laquelle j’ai seulement ajouté le dénouement d’une autre aventure réelle[1], pour l’en-

    agréable et variée. On peut s’y procurer tous les rafraîchissements possibles, au moyen de la multitude des cafés qui s’y sont rassemblés, où l’on entend parfois d’assez bonne musique. » Thiery. Almanach du voyageur à Paris, Paris, 1786, p. 34.

  1. C’est la petite Nouvelle, intitulée Les Deux Cinquantenaires.
    (R.)