Aller au contenu

Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
LA DERNIÈRE AVENTURE

pas sa mère, l’ait fait, à certains égards, dans son écrit, et que, surtout, elle n’ait rien dit de ce séjour en Bourgogne ! Le récit est même circonstancié de manière à l’exclure absolument. Cependant ce séjour est certain : Sara ne l’a donc pas omis sans cause. Il faut encore observer que, lorsqu’elle commença d’écrire, elle ne connaissait pas encore mon rival ; mais que la plus grande partie fut écrite après le 12 mai, époque de la première entrevue. Il suit de là que Sara commençait à prévoir qu’elle ne devait pas tout me confier… si, pourtant, elle en a eu jamais le dessein : car sa conduite avec moi, même aujourd’hui, est un dédale inexplicable. Mais ce qui doit surprendre davantage, c’est l’omission absolue du séjour chez un homme comme il faut ! Ce séjour ma été raconté par la mère ; il est annoncé par la fille dans ses conversations avec moi ; et cependant on n’en voit aucune trace ! Voici comme la mère m’a fait ce récit, — il dément entièrement toute autre manière de voyager :

« Mon mari, qui avait des talents supérieurs pour le dessin des tapisseries, fut invité à venir à Paris, avec les offres les plus séduisantes. Il y succomba, et partit. À son arrivée, il parla de moi à son protecteur, qui désira beaucoup de me voir. Il m’écrivit de venir. Je partis avec mes deux enfants. » (Ici elle place un roman de son arrivée à Paris, conduite par un homme qu’elle ne connaissait pas, qui la retint trois mois dans un magnifique appartement ; comme elle ne savait pas la langue, elle demandait seulement son mari. À la fin, elle s’échappa, et le découvrit. Ce trait a été rapporté tout différemment par Sara.) « Après avoir rejoint mon mari, je fis la conquête de son protecteur ; mais je fus sévère à son égard. Comme c’est en conséquence de ses offres que j’ai quitté ma patrie, et que mon mari s’est dérangé à Paris, ce monsieur s’est toujours cru depuis obligé de me protéger. Je lui ai dit plusieurs fois qu’il avait fait mon malheur. Et c’est aussi le motif de son offre de vingt mille francs pour ma fille, qu’il regarde comme la sienne, puisqu’elle a passé chez lui une partie de son enfance. » (Ce serait alors Legrainier.)