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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/209

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D’UN HOMME DE QUANRANTE-CINQ ANS

Voilà ce que j’ai recueilli de ditférents entretiens décousus. Cependant Sara, dans les commencements de notre connaissance, me témoignait la plus grande répugnance pour voir cet homme, qui lui avait servi de père, chez qui elle avait été élevée, à qui elle devait son éducation !… Mais abandonnons ce chaos de contradictions et de mensonges, pour nous en tenir à l’Histoire écrite par Sara : pourvu que cette Histoire nous donne une idée vraie de la mère et de la fille, le reste importe peu. Je n’aurais pas même fait cette longue remarque, si je ne voulais donner, par ces Variantes, une idée de la manière dont toutes les aventurières font leur histoire. Ce que je n’ai jamais conçu, ce que je ne conçois pas encore, c’est pourquoi Sara décriait sa mère de concert avec sa mère ! C’est un raffinement unique ; une ruse inconcevable dans ses motifs, et que ses effets ne justifient pas ! Car elles y ont perdu toutes deux. Au reste, on retire un avantage de cette Histoire, c’est qu’elle présente un tableau vrai, souvent répété, de la conduite des intrigantes obscures, et qui, par là, n’en sont que plus dangereuses ; elles ont le champ plus libre pour tromper.

En achevant de lire l’Histoire de Sara, mon cœur était attendri : « Chère amie ! » pensai-je, « tu m’as promis d’être constante, de ne jamais changer ! J’y Compte, et je veux t’adorer jusqu’au tombeau… » Elle était déjà changée !… mais je l’ignorais.

Revenons à la mère de Sara, que j’avais presque forcée de retourner auprès de sa fille. Je lui avais découvert les vues honnêtes autant qu’avantageuses que j’avais pour cette dernière ; par là, j’avais excité son attention. Elle me répéta plusieurs fois : « Que ne m’avez-vous dit cela ! Je n’aurais cherché personne ! » Peut-être disait-elle la vérité, du moins pour jusqu’au temps où j’aurais eu rempli ses vues : mais, lorsque j’avais expliqué à sa fille, comment je devais agir pour elle en père, elle m’avait toujours fort recommandé de ne pas dire un mot de ma bonne volonté à sa mère. Quel était son but ? Avait-elle dès lors… Mais pourquoi conjecturer ? La mère et la fille étaient d’accord pour me tromper. C’étaient deux aventurières adroites et gauches