Aller au contenu

Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
D’UN HOMME DE QUANRANTE-CINQ ANS

chose à vous dire, allez ensemble. » Et il nous accoupla. Sara, froide comme une fille qui est avec un homme, tandis qu’elle en aime un autre, garda la morgue la plus insultante. Je tâchai de lui parler bonnement, rien ne l’intéressa. Je parlai de son amant et, ce fut alors, qu’avec la tournure la moins désobligeante, je lui répétai ce que je lui avais déjà fait entendre : « Votre mère n’a pas trouvé ce qu’elle cherchait, ma fille. — Comment cela. monsieur ? — C’est que M. de Lamontette vous respecte trop, d’après ce qu’il a vu de vous et ce que je lui ait dit, pour vous rabaisser au rang de fille entretenue. — Et que lui avez-vous dit ? — Mais je lui ai fait connaître votre mère d’après ce que vous m’avez confié… — Vous avez très mal fait ! — Pourquoi ? vous ne cherchez qu’un protecteur, plus puissant que moi, sans doute ; je vous ai épargné un rôle, toujours désagréable, en lui apprenant ce que vous n’auriez pu lui dire qu’avec désavantage. — Je vois que vous avez fait des imprudences ! En vérité, monsieur, je suis très fâchée que vous vous soyez mêlé de ce qui me regarde et, surtout de ce que vous avez dit tantôt devant moi, dans le jardin ! — J’ai cru le devoir pour vous prouver mon amitié. — Ce n’en est pas là une preuve… N’avez-vous dit que cela ? Il faut que je le sache. — J’ai parlé de l’aventure de M. Dumont. — Ha ciel !… hé ! l’avez-vous nommé ? — Non. J’ai parlé de M. de Vesgou (l’homme du Palais-Royal). — Voilà qui est bien, monsieur ! On peut dire qu’il est bien malheureux que vous soyez venu ici ! — De M. Legrainier et des vingt mille francs ! — À merveille !… Est-il possible ! — J’ai narré crûment les vues de votre mère à l’égard de cet homme, et ce qu’elle m’a dit à moi-même. — Ainsi voilà ma mère déshonorée dans son esprit ! — C’est votre avantage ! — Allez, monsieur, vous êtes… En vérité… Je suis bien malheureuse ! — Est-ce de m’avoir connu ? — Certainement… vous me faites un grand tort ! — Je ne vois pas cela ! — C’est que vos lumières ne sont pas fort étendues… Au reste je ne sais pas pourquoi nous allons ainsi ensemble ; c’est apparemment pour faire croire qu’il y a quelque chose entre vous et moi ! » En achevant ces mots, elle me quitta le