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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/238

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LA DERNIÈRE AVENTURE

vreté, le goût du travail, la vertu, pour exciter ma générosité.

Dans cette journée, il m’était venu par la poste une lettre de Delarbre, de ce jeune homme, amant de Sara, à qui j’avais écrit le congé. Il faut détailler ce trait de mon histoire.

Durant le second voyage de Sara chez mon rival, indigné contre elle, souffrant le plus affreux des tourments, celui de la jalousie et de l’indignation, cherchant à me dégager, j’allai voir les demoiselles Amey, les anciennes maîtresses de Sara, dont l’aînée m’avait écrit ce billet, quelques jours auparavant :

« Monsieur, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien, si cela ne vous dérange pas trop, prendre la peine de passer chez moi ; j’ai quelque chose à vous communiquer. J’espère que vous voudrez bien me faire ce plaisir, ainsi que de me croire, avec toute la considération possible, monsieur,

« Votre très humble servante,

« Amey. »

J’avoue que mon motif, en me rendant enfin à cette invitation, était de me plaindre de Sara, mais avec prudence, de voir ce qu’on répondrait, et de saisir avidement tout ce qui pourrait contribuer à ma guérison. Je fus bien reçu. Je me plaignais en général du peu de fond à faire sur l’attachement des amis et des amies. Je nommai ensuite Sara, mais en commençant un autre discours. Les deux filles se regardèrent… elles ne dirent que du bien de leur ancienne élève. Pour la mère elles ne la ménagèrent pas. J’écoutai ceci d’un air d’indifférence ; j’en savais assez au sujet de Mme Debée-Leeman ; c’était de la fille que je voulais entendre des choses qui achevassent, ou plutôt qui commençassent de me guérir… Infortuné, qui ne savais pas encore à mon âge, que la guérison par le mépris, quand on a véritablement aimé, est la plus cruelle de toutes !… On ne me dit rien ; peut-être plus éclairées que je ne le pensais alors, ces filles redoutaient-elles ma pusillanime tendresse ! Elles ne me dirent rien !… Désolé de l’inutilité de ma démarche, je me rappelai Delarbre ; je résolus de lui écrire, pour tirer adroitement de lui s’il avait eu