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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/239

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D’UN HOMME DE QUANRANTE-CINQ ANS

quelque sujet de mécontentement… Qu’on ait toujours en vue que je ne voulais que me guérir !… Ma lettre fut efficace ; il me fit une réponse que je reçus le 20 juin, ou plutôt ce fut Sara. Elle reconnut l’écriture et se proposa de ne pas me rendre la lettre qu’elle apporta cependant elle-même chez moi. Sa mère la suivait sans doute par curiosité, la crainte l’obligea de me dire, en l’entendant monter : « J’ai une lettre pour vous, parlez-en, je vous instruirai après. » La mère de Sara ne m’en ayant rien dit, je gardai le silence, et dès qu’elle fut partie, on me montra la lettre, en me disant qu’on voulait la lire avant moi. Je m’y opposai, malgré ma faiblesse ; cependant, je convins que si c’était de mon rival ou d’une autre personne que je nommai, je consentirais, après la signature vue, que Sara la lut avant moi. Je vis la signature ; c’était celle de Delarbre. Malgré les instances de Sara, malgré ses efforts, je m’en emparai ; elle tenait la moitié de la lettre, je tenais l’autre ; il était trop important pour moi qu’elle ne vît pas que j’avais écrit, pour la lui laisser lire ; un effort adroit m’en mit en possession. Sara se retira sur-le-champ furieuse. M’apercevant, au souligné, que la réponse n’était qu’un commentaire gauche de ma lettre et, que ce jeune homme était encore amoureux, je pris un parti ; ce fut de courir après Sara, de lui lire les quatre dernières lignes qui lui étaient avantageuses et de déchirer la lettre en mille morceaux pour la tranquilliser. Je fis tout cela si adroitement, que je sauvai trois lettres incluses que le jeune homme m’envoyait, et qui n’étaient pas moins tendres que celles que Sara m’avait adressées, dans le temps de mon intimité. Les voici :

Premier Billet de Sara à Delarbre
(au crayon.)

« Si le nom de Debée t’est si cher, je veux le donner mille fois pour celui de Delarbre ; mais unissons Delarbre et Debée pour toute la vie. Non, mon cher Delarbre, je ne violerai jamais le serment que je te fais en ce moment, d’attendre le dernier soupir en t’aimant : je te suis attachée ; rien ne pourra me séparer de toi. Notre sort est à jamais uni ; à