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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/243

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D’UN HOMME DE QUANRANTE-CINQ ANS

et triste lumière qui jaillit de l’infernale envie de mal faire qui vous possède ! Monstres, ne m’éclairez pas ! Laissez-moi ! Que j’ignore les horreurs que vous voulez me faire entrevoir !… Ah ! Sara ! O ma fille ! Pourquoi m’as-tu forcé de chercher à me guérir ! Où en suis-je ? À la lettre, je crois.

J’étais descendu porter chez Sara les morceaux de la lettre déchirée ; je lui répétai les dernières lignes que j’avais lues : le peu de temps que j’avais mis à la suivre, lui prouva que je n’en avais pas vu davantage. Je lui fis aussi reconnaitre les morceaux : ce qui la tranquillisa. Mais j’observai deux choses : son extrême frayeur que je ne lusse cette lettre, qui ne m’eût rien appris que je ne susse, et le mystère réel, non feint, qu’elle en faisait à sa mère. Quant à sa crainte que je ne gardasse la lettre, j’ai pensé, depuis, qu’elle présumait que je l’aurais montrée à mon rival, et que, s’il n’y avait eu que moi, elle aurait peu redouté les aveux du bon Delarbre ! À l’égard du mystère fait à sa mère, il parait que cette dernière ignorait les faveurs accordées par sa fille à un jeune homme : cela ne rentre pas dans le plan de ces sortes de femmes.

Le lendemain jeudi, on partit dans la matinée, pour aller chez Lamontette. Il n’en était pas prévenu ; loin de là, comme on va le voir. La mère de Sara lui avait fait écrire par sa fille une lettre fort sèche : celle-ci, bien sûre que sa mère ne savait pas lire, aurait pu tourner la lettre à sa guise ; mais elle eut ses raisons, apparemment, pour l’écrire, telle qu’on la lui dictait. (Que de ressorts les intrigantes savent faire jouer ! ô femmes ! Vous êtes nos maîtresses en fourberie ! Qui peut lutter contre vous ?) Sara voulait sans doute exciter, plus adroitement qu’avec moi, la haine de Lamontette contre sa mère, ou elle voulait s’en faire désirer davantage ; ou elle cherchait à faire la fille innocente et timide, contrainte ; ou enfin rien de tout cela : elle voulait peut-être le punir de quelque manque de considération : car j’ai su depuis qu’il s’en permettait quelquefois. Il dut être fort surpris de les voir ! Il assure aujourd’hui qu’il n’a jamais aimé Sara ; cependant il reçut les deux femmes avec transport… Pauvres