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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/277

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D’UN HOMME DE QUANRANTE-CINQ ANS

Sara me sonda pour me faire prêter cent louis. Je refusai. Elle me traita lestement et, le soir, étant venu souper tard, elle marqua beaucoup d’humeur ; elle montra la plus odieuse insolence… Sur ce que je m’excusais disant que j’avais eu affaire ; que j’étais fâché de l’avoir fait attendre : qu’il ne fallait pas me gronder, elle répondit : « Vous gronder ! Ha ! Cela serait trop tendre pour l’homme dont tu reçois les bienfaits ! Ho ! Que veux-tu que je pense de toi ?… » Ce fut la fin de notre intimité. Car le lendemain soir, étant revenu. Florimond m’ouvrit. Je lui demandai Sara. « Mademoiselle ? elle n’y est pas… Elle n’y sera plus. — Comment plus ?… (m’avançant du côté de la mère :) Madame veut-elle m’expliquer ceci ? — J’ai remis ma fille chez une ouvrière en dentelles. » Je l’approuvai fort d’avoir pris ce parti honnête, Sara étant guérie. J’attendis ensuite qu’elle me dit où elle l’avait mise. Mais elle garda le silence. Je me retirai furieux de l’impolitesse de Sara qui, vivant avec moi, s’en allait sans m’avertir, sans me dire adieu !

C’était le 13 au soir qu’on me cachait Sara, et le 18 décembre, Florimond, qui m’aperçut courut après moi, pour me demander d’où venait qu’on ne me voyait plus ? « La mère ne me dit pas où est sa fille ; celle-ci ne m’a point prévenu : je les laisse, puisqu’elles m’ont laissé. — Mais Mademoiselle espérait que vous viendriez souper les dimanches et fêtes ? — Non ; il faut rompre : ce trait d’impolitesse est le dernier que je veuille endurer. » Je le quittai sur-le-champ, fermement résolu à ne plus revoir Sara. (Lecteur, ne vous y trompez pas ! j’aimais encore avec passion !… Ha ! Que c’est une cure longue et difficile, que celle de l’amour, lorsque l’impression a été profonde !)

Je ne pus m’empêcher d’entrer chez Sara dans la semaine du jour de l’an, ne comptant pas la trouver. Elle y était. On me dit qu’elle avait été malade…

Voici une turpitude. Mme Debée, qui ne voulait pas marier sa fille, malgré tous ses semblants, voulut en rassasier Las, avant de rompre. Elle la donna pour une nuit à son futur ; sans doute