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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/71

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LES DEUX CINQUANTENAIRES

je le regarderais comme un sot avec ses beaux vers. Vous n’avez pris que le haïssable et les ridicules des personnages que j’ai vus jouer. De quel triste rôle vous vous êtes chargé là ! — Douce personne, je vous écoute avec admiration ! Quelle sublime raisonneuse ! C’est apparemment M. Parlis qui vous a inculqué toutes ces belles idées-là ? — Non, elles me sont naturelles, j’ai le sens commun, il ne faut que cela pour vous apprécier. Apprenez, d’une fille de mon âge, monsieur, une vérité que vous paraissez ignorer : c’est qu’un homme du vôtre doit employer de tout autres moyens que ceux d’un jeune homme ; ils n’en sont peut-être pas moins assurés quand ses vues ont pour objet une fille raisonnable, mais ils sont essentiellement différents ; un jeune homme plait sans y penser, sans le désirer, sans le vouloir, il plaît par le vœu de la nature ; mais un homme de cinquante ans n’a plus ce vœu pour lui. S’il veut plaire, il n’a que le moyen des procédés, des vertus ; par ceux-là et par celles-ci, l’homme de cinquante ans substitue aux agréments naturels qu’il n’a plus, les agréments factices de la société, les douceurs de la vie, les complaisances, la sûreté de son commerce ; il bannit dans une femme la crainte de l’inconstance d’être un jour négligée, abandonnée ; elle espère, au contraire, d’être fêtée, chérie, traitée presque en enfant gâté, en même temps qu’elle se propose, lorsqu’elle pense bien, d’être une fille tendre, sensible. Quant à l’amour, un homme de votre âge qui compte en inspirer, s’abuse absolument, M. Parlis me l’a plusieurs fois assuré. Mais, en même temps, il m’a prouvé qu’il est facile à un cinquantenaire d’obtenir un sentiment aussi flatteur, s’il ne l’est davantage, exclusif comme l’amour, plus tendre, aussi dévoué ; c’est l’entière confiance unie à la reconnaissance et au devoir. C’est ce dernier qui aurait parlé pour vous à mon cœur et qui aurait fait la douceur de ma vie, quelque acception qu’aient donnée à ce terme certains auteurs doucereux, prétendus philosophes du siècle de Louis XIV. — Voilà, je le répète, mademoiselle, voilà bien du Parlis que vous me débitez-là et nous aurions quelque chose de mieux à dire, surtout à faire ? — Ce mot que vous