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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/143

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ne l’aimerais pas purement, mais uniquement pour la jouissance. Ajoutant à tout cela ma reconnaissance envers Marguerite, j’associais l’idée impudique de la posséder, à celle de posséder Marianne… Toute autre espèce d’amour m’égarait ; la belle Rousseau était la seule qui me fît aimer avec innocence… Mais, avant d’aller plus loin, il faut éclairer davantage le Lecteur, relativement à Marguerite.

Quelles étaient ses dispositions à mon égard ? De l’amour ; mais un amour maternel et tendre. Elle ne pouvait douter qu’elle ne m’eût inspiré des désirs fort vifs ! elle en fut touchée, reconnaissante : une vieille fille, quelque sage qu’elle soit, peut-elle être insensible pour un jeune homme qui rend un ardent hommage à ce qui lui reste d’attraits ? Il rappelait à son cœur un double souvenir : celui de M. Rousseau, qu’elle avait tendrement aimé ; celui de Louis Denêvres, qui l’avait adorée et qu’elle avait regretté trop tard ! C’est par reconnaissance, et en se ressouvenant de ce qu’elle avait elle-même éprouvé, que cette fille sensible voulait me garantir des tourments d’un amour malheureux. Mais elle m’observait : elle espérait lire dans mon cœur, beaucoup mieux par mes yeux que par mes paroles, et c’était d’après la certitude qu’elle voulait agir. Il faut encore ajouter un mot : c’est qu’elle avait pour confesseur M. le chapelain, mon bon ami, et j’oserai presque dire mon admirateur ; sûrement entre eux ils parlaient de moi, et les sentiments de l’un fortifiaient ceux de l’autre.

D’après ma conversation avec Marguerite et les