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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/144

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désirs que Marianne m’inspira au salut, je me crus victorieux de mes sentiments pour Mlle Rousseau. L’espérance et la réalité me décidaient pour la première ; la hauteur des parents de la seconde augmentait ma timidité, déjà extrême, à leur égard ; ceux de Marianne étaient de bonnes gens. Mon petit plan s’arrangeait à merveille dans ma tête, lorsque mes regards se dirigèrent machinalement sur la belle Rousseau. Grand Dieu ! qu’elle était touchante ! Il semblait que l’Amour irrité contre moi l’eût environnée de tous les charmes… Il se fit dans mon âme un bouleversement universel : « Ah ! pardon ! pardon ! » disais-je tout bas, « unique objet de mes vœux ! Je sens que je ne puis adorer que vous ! » Et depuis cet instant, mes regards ne purent se détourner de Jeannette ; je ne pus les ramener sur Marianne. Marguerite me jugea facilement : elle me reparla quelquefois de sa filleule, mais elle se garda bien de lui parler de moi.

Je demeurai quelque temps dans une situation flottante en apparence ; dévoré de désirs pour toutes les jolies femmes du bourg, telles que celles déjà nommées. Mon imagination embrasée me donnait quelquefois un sérail, composé de Marianne, d’une jeune Bourdillat, fille d’un marguillier, de sa mère encore jolie, et que je voyais quêter, de Mme Chevrier, de Mme Droin, seconde femme du procureur fiscal, de Mlle Droin, sa belle-fille, dès lors amante, et depuis femme du jeune Rousseau, frère de Jeannette ; de quelques filles du catéchisme, une jeune