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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/171

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riage : car il ne faut pas se persuader, que lorsque j’avais eu Marguerite Miné-Covin, j’eusse songé à l’infidélité : j’avais regardé cela comme un badinage d’enfants, et l’acquit d’une promesse qu’elle m’avait faite ; et lorsque ensuite j’avais désiré des femmes, je n’avais jamais songé à séduire, mais à satisfaire impérieusement un besoin présent. À Courgis, loin de me persuader que les femmes pussent céder volontiers, avec goût et en souriant, à un corrupteur, je me les figurais violentées, gémissantes, se refusant à de coupables caresses ; et l’homme les forçant, en frénétique, à satisfaire des caprices, que leur vertu assaisonnait autant que leurs charmes… Certainement si ma destinée avait été de rester au village, le livre de Montreuil, qui avait été sans effet sur l’âme et les sens obtus de Miché Linard, aurait été très dangereux pour moi ! il aurait pu me rendre un scélérat, un corrupteur de filles et de femmes, comme l’était alors le fils Lenain, jeune Parisien, dont le père, ancien intendant de seigneur, était venu se cacher à Sacy, Peut-être serais-je devenu comme ce vieux Champenois, qu’une jeune fille a récemment tué d’un coup de barre[1], parce qu’il voulait lui faire violence, comme à cent autres.

  1. Cet homme, resté au village avec des sens vigoureux, que la facile jouissance de la ville n’avait pas énervés, conservait la même véhémence, à soixante-cinq ans, que moi dans le feu de la jeunesse. Il guettait les jeunes filles, préférant celles sans expérience, se jetait sur elles, et les déflo-