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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/172

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La lecture de Montreuil fortifia la manie que j’avais depuis quelque temps pour les vers Français ; je trouvai ce langage beau, et propre à exprimer les mouvements des sentiments, qui n’étaient alors qu’hyperboliques en moi. J’avais examiné les stances, les rondeaux, les sonnets, etc., et je m’étais proposé d’en prendre des modèles : mais on sait que je rendis le livre trop tôt. Cependant, il va m’arriver de faire des vers alexandrins sans césure, sans élisions, comptant les muettes de la fin des vers, et n’entremêlant pas les rimes masculines avec les féminines, parce que je n’en connaissais pas la dénomination. Je m’étonnais, avec cela, de la dureté de mes vers, dont quelques-uns seulement étaient coulants, parce que les régies s’y trouvaient par hasard observées. Aussi, après avoir fabriqué quelques milliers de vers, obscènes à ma manière, il faut dire à ma louange que je les trouvai très désagréables ! Mais un autre Dieu qu’Apollon m’inspirait, et je ne me découra-

    raient, mais avec des précautions si grandes, qu’il ne leur faisait pas plus de mal que si elles eussent consenti : aussi plusieurs de ces filles ne s’en vantèrent-elles pas. Celle qui le tua avait déjà été surprise, et ne s’était plainte à personne ; le vieillard s’imagina qu’elle avait pris goût à la chose. Quand il se jeta sur elle la seconde fois, elle l’attendait. Elle le saisit, d’après les conseils d’une commère servante de cabaret, lui fit perdre ses forces, et l’assomma. Elle a été absoute. On a fait de ce vieillard et de la fille deux ovales en regard : les graveurs de Paris, presque tous sans génie, tirent parti des moindres choses, plutôt que d’inventer.