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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/181

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Mais en l’examinant, je m’étais aperçu que ce n’était qu’un loup et j’étais devenu hardi jusqu’à l’audace. Ma charge déposée, j’avais poursuivi l’assaillant plus de cinquante pas à coups de pierres. En revenant, j’avais trouvé son camarade, qui s’efforçait d’ouvrir mon panier, dont heureusement le couvercle fermait avec une chevillette. Je m’étais mis à courir sus à ce nouvel ennemi, comme j’avais attaqué son compagnon, et j’étais demeuré vainqueur. Naturellement taciturne, je n’avais pas raconté cette aventure lupercale ; ce soir-ci, ayant besoin d’une excuse, il me vint en idée, qu’une transposition ne serait pas un mensonge : je me proposai de raconter ce trait, en escobardant, c’est-à-dire en ajoutant tout bas : « Il y a un mois ». Je ne fus pas interrogé, parce que quelqu’un soupait à la maison ; l’on fut seulement très froid. J’étais sûr, par mon exactitude à tout cacher, que je ne pouvais être soupçonné qu’en gros, et qu’on devait être loin d’imaginer la nature des choses que j’écrivais.

Le lendemain dimanche, les Matines, la grand’messe occupèrent ; j’avais toujours mon projet de récit dans la tête, et je m’y tins jusqu’au prône. Je ne sais à quel propos M. le curé rapporta un singulier passage de la Cité de Dieu, de Saint Augustin. Je l’écoutais peu jusqu’à ce moment ; ce passage réveilla mon attention. Il y était question du sac de Rome par les Barbares. D’après le Saint, le prédicateur dit que « l’intention fait seule le péché ; qu’ainsi les femmes Chrétiennes qui avaient été violées par