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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/195

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Jeannette : je crus la voir troublée, embarrassée de mon attention : quel signe était-ce ?

Le mercredi suivant, je fus envoyé à Lichéres pour de la chaux. Je traversai des bois qui, bien qu’ils fussent à plus de deux lieues de mon village, étaient une suite non interrompue de ceux de Nitry, qui commençaient en Terre-rouge, à deux pas du Vaudenjean, au pied duquel est la maison paternelle. Je fus vivement frappé de l’idée, qu’en suivant ces bois, je parviendrais à ceux que j’avais tant de fois visités, pour y chercher des nids, des fraises et des noisettes ; puis, mêlant ces idées avec celles de Jeannette, de Marguerite enceinte et assez généreuse pour me garantir de toutes les peines qui devaient être la suite de mon action, je fondis en larmes, symptômes d’une âme encore innocente… Arrivé à Lichéres, j’avais une grande soif ; Lemoine, le marchand de chaux, me servit du vin blanc, que je trouvai bon, et du fromage à la crème, que j’aimais passionnément. Nous goûtâmes ; je bus plus de vin que je n’en avais encore bu de ma vie ; je bus exprés, pour faire le grand garçon : j’étais amoureux ; j’étais déjà père… J’eus occasion de m’apercevoir que je portais le vin comme un Allemand ; Lemoine balbutiait, et me faisait pitié.

En sortant de Lichéres, je pris mon poème dans ma doublure, et je me mis à le relire. Aux vers prés, que je ne trouvais pas harmonieux, le premier chant me plut. Les autres provoquèrent ma lubricité, déjà provoquée par le vin. Je lisais tout haut