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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/196

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1749 — MONSIEUR NICOLAS

en déclamant, dans le bois, non à la manière des acteurs, que je ne connaissais pas, mais comme un homme qui prêche… J’achevais de lire, quand j’entendis éclater de rire derrière moi. Je me retournai surpris !… C’étaient deux bûcherons de Vaucharmes, qui s’en retournant, me suivaient depuis une demi-heure, et qui avaient presque tout entendu. Je me défiais de tout le monde ; je fus un peu intrigué.

— « Qu’est-ce que c’est qu’ça ? » me dit l’un d’eux ; « ça rime comme la tragédie de Sainte-Reine ? — C’est in plaidoyer », dit l’autre. — « Nounais ! c’est plutôt une prière ; car il y est comme parlé d’adoration » ; (c’est que depuis la lecture de Montreuil, j’employais cette expression ; au lieu d’aimer) ; « c’est des litanies. » Je regardais ces deux hommes, que je ne connaissais pas, pour voir s’ils riaient, ou si leur stupidité les avait empêchés de m’entendre : car, au lieu des mots libres, que j’ai trouvés depuis dans Martial, et dans les autres poètes Latins, dans Chorier[1], et dans quelques débauches d’esprit Françaises, j’en avais employé de mon invention, qui ne pouvaient être entendues par ces gens-là ; j’eus bientôt occasion de m’apercevoir qu’ils avaient parlé bonnement, mais je compris aussi que je Tavais échappé belle ! Si j’avais été

  1. Nicolas Chorier, auteur des Dialogues de Luisa Sigea (communément le Meursius), chef d’œuvre incontestable du genre erotique, dont nous avons donné deux éditions. (N. de l’Éd.)