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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/199

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cœur, avec celui de Jeannette ! et je l’y conserverai jusqu’au dernier soupir…

Ces discours utiles et sérieux nous occupèrent tellement, pendant les trois heures de chemin, que nous nous vîmes avec étonnement aux portes d’Auxerre !… Nous dînâmes ensemble chez Mme Jeudy, où je vis la jeune femme Sophie en pénitence, c’est-à-dire, ayant une grosse coiffe et des cornes de papier. Son crime était d’être devenue grosse de son mari, sans la permission de sa mère ; le gendre avait été renvoyé chez ses parents, comme un libertin, un corrupteur… et ces deux pauvres jeunes gens se mouraient en langueur, depuis leur séparation !… Marguerite fit tout ce qu’elle put, en qualité de dévote, pour adoucir le sort de Sophie ; mais elle ne put rien obtenir ; le crime était fop noir ! S’être souillée une seconde fois du péché originel !… j’ai su depuis, que le jeune mari avait été la première victime, et que l’aimable et infortunée Sophie ne lui avait survécu, que pour donner le jour à deux jumeaux, garçon et fille… Cœurs sensibles, versez des larmes sur eux, et maudissez le purisme insensé de leur marâtre !…

Après le diner, qui fut un des plus tristes que j’aie faits en ma vie, je pris congé de Marguerite. Et comme elle ne partait que le lendemain jeudi par le coche d’eau, elle voulut me reconduire jusqu’à la Porte-du-Pont ; puis voyant qu’il y avait trop de monde, pour nous parler librement, elle poussa jusqu’à Saint-Gervais. C’est là que, sous la voûte en