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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/216

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1749 — MONSIEUR NICOLAS

rendu ; mais il avait ensuite pensé, apparemment, qu’il n’était pas assez éclairé pour en juger et en découvrir le venin. La conduite du curé me révolta : j’étais sûr que le Théâtre du Monde contenait une morale saine ; je compris que c’était plus à moi qu’au livre qu’on en voulait ; je ne me rendis pas justice sur les causes graves que j’avais données de m’en vouloir, surtout dans les principes des dévots Jansénistes ; principes qui étaient alors les miens. Mon esprit se cabra ; je pris pour la première fois mes frères en haine ; je les regardai comme mes ennemis. Je formai le dessein de les quitter, de me jeter entre les bras des Jésuites. Mais M. de Caylus, l’ami, le protecteur de mon père, vivait encore ; je ne pouvais rien. Comment faire ?… Une fausse démarche du curé m’en fit faire une dont je frissonne après quarante ans.

Nous étions au mois de Septembre : j’allai songer au maitre des enfants de chœur de Bicêtre. Je me rappelai que M. Maurice, notre ancien sous-maître, n’avait que mon âge actuel, lorsque j’y étais arrivé : j’étais aussi grand que je l’ai été depuis ; j’étais formé : je me ressouvins que ce jeune homme apprenait en nous enseignant ; mes rapides progrés m’avaient enorgueilli. J’imaginai d’écrire au maître, qui avait remplacé l’abbé Thomas, pour lui offrir d’être son second. Cette démarche n’avait pas le sens commun. Je mis dans ma lettre quelques plaintes contre mes frères, et, par une crédulité puérile, j’allai m’imaginer qu’en témoignant quel-