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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/220

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1749 — MONSIEUR NICOLAS

Pour se former une idée de ce que je souffris en route, il faudrait avoir été dans ma position, et avoir mon imagination ombrageuse, qui m’a rendu si malheureux, dans tout le cours de ma vie ! J’arrivai chez mon père, sans avoir pris de résolution. J’étais véridique (hélas ! ce n’est qu’à la ville que j’ai perdu cette qualité native !) mais comment avouer le motif de ma fuite ?… Je l’aurais pu cependant ; mais la timidité l’emporta : je n’étais hardi que pour mal faire en secret… Je dis que j’allais à Oudun, pour du bois… On me crut. Je partis, après avoir déjeuné. Trois heures après arriva l’abbé Thomas, fort troublé ! il ne savait ce que j’étais devenu. Personne du bourg ne m’avait vu passer ; j’avais pris les derrières, et je m’étais couvert des haies, lorsque j’avais aperçu des vignerons ; ses informations sur la route, à Préhy, à Puitsdebond, à la Métairie-Rouge, furent également infructueuses ; la crainte des chiens me faisait prendre ordinairement par Saint-Cyr et par les Vaux-Germains. Il arriva chez mon père, presque sûr de ne pas m’y trouver. On lui dit qu’on m’avait vu, et le prétexte que j’avais pris pour continuer ma route. On ne douta pas que je m’en allasse à l’aventure. Mais où pouvais-je aller sans argent ? On avait trouvé à Courgis, dans une petite corbeille à dé, toute la monnaie que me donnait ma mère, deux à deux sous ; les pièces étaient rouillées et furent presque perdues. On voyait bien que je n’étais pas allé à Paris, puisque j’avais pris la route opposée. Mon père (le plus excellent des hommes)