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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/229

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entre Courgis et Tonnerre. Ce pasteur était un homme négligé dans son vêtir, laissant chez lui tout ouvert, comme les anciens Spartiates. Lorsque M. Stallin arriva, il trouva le curé faisant lui-même sa cuisine, qui était simple comme tout le reste : c’étaient des choux avec du petit salé. « Soyez le bienvenu ! » dit-il à l’étranger, « mon potage est cuit ; nous allons nous mettre à table. » Il le servit, car il n’avait ni gouvernante, ni domestique ; une voisine lavait sa vaisselle, c’est-à-dire un pot et une assiette par jour, et le raccommodait. Prêt à manger, il alla sur la porte, d’où il appela les habitants qui passaient. « J’ai des choux au lard, » leur disait-il ; « venez en manger. » Stallin exposa sa commission. « Ah ! mes enfants ! » s’écria le pasteur à ses paroissiens rassemblés, « il faut faire ce que nous voudrions qu’on nous fît à nous-mêmes, si nous étions incendiés ! Ce sont nos frères, et c’est un grand malheur qui met tout le monde à nu. Des gens accoutumés à ne manquer de rien, des femmes, des filles se trouvent privées du nécessaire et dans les horreurs de la faim et de la malpropreté. » Stallin ne manquait pas d’une certaine éloquence : encouragé par ce que le pasteur venait de dire, il fit un tableau du désastre de Courgis, qui, s’il n’était pas aussi beau que celui de l’Excidium Trojæ n’était guère moins pathétique. Le bon curé pleura, et, pour montrer l’exemple, il porta la main à son trésor, qui n’était pas loin : c’était le rebord intérieur du poteau de sa cheminée à l’antique. Il y