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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/233

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Courgis, et ce fut une fatale modestie, qui m’a fait perdre ensuite les quinze plus belles années de ma jeunesse, depuis 1750 jusqu’en 1765, à quelques intervalles prés ! Je ne suis sorti de mon engourdissement funeste qu’à l’âge de trente-deux ans !… Je le crus ; mais je lui en voulus, de m’avoir persuadé. Je pensais intérieurement : « D’après ce que je vois de vous, et votre conduite envers moi, qu’avez-vous ? des bluettes aussi… » Mais cette pensée, en diminuant à mes yeux le mérite du curé, ne fît que me confirmer dans l’idée décourageante de mon incapacité : « Je lui ressemble pour la figure, » pensais-je, « sans être aussi bien que lui ; nous avons la même solidité, mais moi un peu moins[1]. Comment nous élévent-ils, moi et mes camarades ? Huet, qui est à Saint-Charles donne dans un vice qui me fait horreur ; Melin est un polisson sans âme. Ils nous font haïr la Religion, au lieu de nous la rendre aimable ! Je l’admirais en arrivant ici[2] ; au lieu qu’aujourd’hui les offices m’ennuient ; l’affectation de piété me rend la piété fastidieuse… Oui, il a raison : ni lui, ni moi nous n’avons d’esprit. » C’est ainsi

  1. Cette ressemblance était si frappante, que dans les villages circonvoisins, on me reconnaissait pour son frère, en me voyant passer : quand l’abbé Thomas se nommait, on était étonné !
  2. Je faisais ma pénitence de confession, agenouillé en hiver dans la neige, ou, en été, sur du gravier.