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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/32

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cuisine particulière, splendide et délicate comme celle d’un traitant. Je ne me suis jamais accoutumé à cette nourriture, et, comme on obligeait à la manger, nous en jetions une partie sous la table. Heureusement, le pain bis était bon. Nous avions un demi-poiçon de vin à chaque repas ; je ne sais quel goût il avait, le noyant toujours d’eau. Cependant je me portai bien à Bicêtre, si ce n’est que mes dents, qui jusqu’alors avaient eu la blancheur de l’ivoire, y prirent une teinte obscure.

Mon père était parti sans que j’eusse assisté à ses adieux. Je n’en fus certain que par la lettre du nouvel an, au bas de laquelle on me fit mettre des respects. Dés que je ne le sentis plus à Paris, je fus atteint de cette maladie cruelle que j’avais déjà éprouvée à Vermenton ; des larmes involontaires ruisselaient de mes yeux, au milieu même du sourire que je m’efforçais de tracer. Ma situation parut si intéressante à tous ces bons enfants qu’ils employaient toute leur petite adresse pour me dissiper. Frère Nicolas et frère Jean-Baptiste, les deux acolytes, étaient ceux qui s’occupaient davantage de moi ; leurs attentions avaient une délicatesse qui me calmait quelquefois. Cependant l’abbé Thomas, voyant que mes larmes involontaires ne pouvaient cesser, me fit passer dans l’infirmerie avec mes deux amis pour ne pas troubler mes autres camarades. Cette chambre retirée était extrêmement propre. Il y avait sur la cheminée un sujet de dévotion, le plus touchant qu’on puisse imaginer : c’était une statue