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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/33

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de l’Enfant-Jésus qui nous tendait les bras, avec ce verset du psaume : Venite, Filii mei, audite me ; et timorem Domini doceho vos ! Venez, mes Enfants, écoutez-moi, et je vous enseignerai la crainte du Seigneur. Je fus touché ; je versai des larmes d’attendrissement, et ce fut un premier degré de consolation. C’est une cruelle maladie que celle du pays ! Si malheureusement on se rappelle quelque chant qui ait affecté dans sa patrie, et qu’on le chante, il aggrave la douleur à suffoquer. La mienne pensa me coûter la vie, lorsque je me fus rappelé un Deo laus de charrue :

V’laî l’soulei qui s’leuve biau,
I’ fait raimaiger lê’ osiau’ :
Tretous ditoînt en leû’ langaige,
S’i’ se breuîlloit, hô ! queû doumaige !
Quand je monte su’ ces coutas,
Je m’sens pûs liger à tout pas.
Les floriote’ av’tou la verdure
Flatont mes yeux et ma flairure. Etc.


À cet air qui se chantait en moi-même, ma douleur

eut la même force que cet ennui des Suisses, qui les contraint à s’en retourner pour éviter la mort. On en a vu expirer en entendant chanter à leurs camarades un air champêtre qu’on appelle le Branle des Vaches et qui est particulier aux pastoureaux de ce pays montueux : ils pleurent d’abord, ils sanglotent ensuite ; la source des larmes se tarit, et ils cessent de pouvoir respirer. Pour moi, grâce à mes