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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/38

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messe, je désirais de revenir ; à mon heure de travail, j’errais au milieu des forêts, comme un jeune sauvage. À dîner, je ne mangeai pas ; mon imagination fermentait. Enfin, l’heure de vêpres revint ; et comme le sermon et le salut devaient se faire de suite, nous avions cinq heures à rester. Dès en entrant, mes yeux se portèrent sur mes chères forêts : les objets s’étaient encore embellis ; une tapisserie plus expressive que les autres, cachée durant la messe par les accompagnements de l’autel, m’offrit en entier ce que je n’avais qu’entrevu : un sanglier, un chevreuil, un loup, une hupe sur des arbres ; dans le lointain un troupeau, conduit par un petit garçon, tenant trois chiens en laisse… À cette vue, je cessai d’être où j’étais ; j’oubliai tout, les yeux fixés sur ce ravissant paysage, je ne chantai plus ; j’étais insensible à tout. Ces moments d’extase, ces moments délicieux durèrent cinq heures, et ne furent qu’un instant ; une fois sous le charme, je fondis en larmes sans m’en apercevoir. C’était rhiver, mon camail me couvrait heureusement et m’empêchait d’être vu de tout le monde. Pendant le sermon, dont je n’entendis rien, les sanglots m’étouffaient : les yeux fixés sur un lièvre qui courait ; sur un lapin accroupi ; sur des pies perchées criaillant à la vue d’un renard qui les observe ; sur des moutons… des moutons paissant ; sur le berger, ses chiens ; sur un sanglier à l’entrée d’un bois ; sur un loup en embuscade, je me sentais dans mon vallon ; des sensations délicieusement douloureuses chatouil-