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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/46

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Paterne[1], notre second thuriféraire, était fort aimé des deux jeunes Sœurs et des deux Mères ; mais un jour il fut aperçu lutinant Mélanie ; il y eut quelques discours : Paterne se sacrifia, en se donnant tout le tort, et on ne l’envoya plus. On attribuait notre succès au ton insinuant de mes deux camarades, et ils ne le devaient qu’à leurs charmes ; et moi, qui obtenais autant qu’eux, à mon physique prématuré, qui me faisait succéder à frère Paterne.

Ici plus d’un lecteur m’arrête : — « Monsieur Nicolas, quel âge avez-vous donc ? environ treize ans, si je ne trompe, ainsi que vos petits amis ? Et vous leur prêtez des discours, des sentiments, des actions de dix-huit à vingt ans ? » Je vous dis la vérité, Lecteur ! Mais cette objection me donne occasion d’établir ici une vérité, qui tient à bien d’autres ! Elle donne la clef de quelques phénomènes du dernier siècle : Pascal, Racine, et d’autres Port-Royalistes, avaient une sagacité, une exactitude de raisonnement, une justesse, une profondeur de détails, une pureté de diction, qui ont d’autant plus étonné, que dans le même temps les Jésuites n’avaient que des radoteurs, des Annat, des Caussin, etc. C’est que les Jansénistes, sérieux, réfléchis, font penser profondément, beaucoup plus tôt et plus efficacement que les Molinistes ; ils organisent plus

  1. Paterne est, en effet, un nom Orléanais : l’église Saint-Paterne, rue Bannier, est la plus importante de la ville, après la cathédrale. Ce seul détail ferait croire à l’exactitude et à la sincérité de Restif. (N. de l’Éd.)