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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/48

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qui font notre admiration et le désespoir de nos poètes ? J’ai cent fois eu occasion, dans le cours de ma vie, d’observer cette supériorité des vrais Jansénistes. Les sots d’entre eux le sont moins que les autres ; mais aussi ce sont les plus insupportables, les plus desséchants de tous les hommes ; il vous font mourir à petit feu, ou périr de piqûres d’épingles : j’ai été Janséniste, et

C’est par là que je vaux, si je vaux quelque chose.


Je ne le suis plus ; mais l’habitude de réfléchir m’est restée ; cette précieuse habitude a peut-être abrégé mes jours ; mais elle m’a préservé de l’ennui ;… de l’ennui ! lent anéantissement de l’âme, pire que la mort !… Comparons à présent le Moliniste à son adversaire. Le vrai Moliniste est plus aimable ; il est plus homme social ; il se peint Dieu indulgent, bon, comme le père de ses enfants, qui les aime, qui veut leur bonheur, et qui est toujours prêt à leur pardonner, à les recevoir dans ses bras, au moindre signe de repentir ; il ne croit pas que l’homme soit obligé d’avoir toujours son Dieu devant les yeux, pour trembler à chaque action, à chaque acte de volonté : au contraire, il se le représente aimant à le voir jouer et bondir sur l’herbe, comme le bon Pasteur, son troupeau chéri. D’après cette idée, il est moins attentif, plus dissipé ; les impressions creusent moins, et ne sont que superficielles.

Voilà, mon Lecteur, ce que m’ont appris quarante ans de réflexions. Et ce n’est pas la seule