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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/73

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ne t’oublierai ! » Il me tenait la main. Il me tira dans l’infirmerie, et me montrant le Jésus, il me dit : « Nous avons vécu ici enfants ; si je m’en crois, c’est le temps le plus heureux de notre vie ; jurons-nous, devant Jésus, de ne jamais l’oublier ! » Nous le jurâmes ; je ne me suis point parjuré… Fayel partit, et je ne l’ai jamais revu… Ô mon ami ! si tu vis encore, tu t’attendriras en lisant ce passage ! Frère Jean-Baptiste vint me consoler ; nous vîmes par la croisée la voiture où était Fayel, et nous sanglotâmes. Mais nous étions encore deux amis : le surlendemain, je fus seul, par le départ de Poquet. Je pleurai mes deux aimables camarades, sans avoir personne qui adoucît mes larmes… Je ne l’ai jamais revu. J’ignore encore aujourd’hui la raison de cette politique de l’abbé Thomas, qui a fait en sorte que je n’ai jamais revu les amis que je m’étais faits, tandis que j’étais sous sa conduite, et qui m’eussent été d’un si grand secours en plus d’une occasion. Puissent ceux avec qui j’ai vécu alors connaître enfin mon cœur, et me rendre justice !

Mon frère, le septième jour après la visite du recteur, fut averti que l’ordre d’expulsion des Jansénistes allait être expédié. Il était prudent de le prévenir ; parce que, outre le danger de l’attendre, il pouvait être accompagné d’injonctions désagréables, et d’une fixation de séjour qui met des gens peu riches dans la triste alternative de désobéir au despote, ou de se voir réduits dans une gêne au--