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Page:Revue Musicale de Lyon 1904-02-17.pdf/3

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revue musicale de lyon

Cette mélodie est constituée par des noires nettement marquées entremêlées de groupes formés d’une croche pointée et d’une double croche, qui doivent l’une et l’autre être justement détachées. Elle est accompagnée par un dessin en croches piquées d’un rythme mathématiquement binaire. Cette mélodie est reprise par la basse après le violon. Elle est remarquable par sa vigueur et sa décision. C’est après la navrante désespérance, l’énergique affirmation de la volonté de vivre et d’agir.

Poursuivant l’analyse de cette première partie, M. Vincent d’Indy ajoute : « Le premier mouvement présente cette particularité que le développement donne naissance à une phrase nouvelle qui n’est que l’élargissement mélodique de l’idée initiale. » Cette phrase nouvelle d’une douce mélancolie est soupirée par le violon dans trois tonalités différentes tandis que la basse exécute une marche rythmique calquée sur la sombre idée du début. Cette épisode secondaire reparaît une seconde fois.

Cette première partie est faite essentiellement de retours successifs, avec modifications dans la tonalité et dans la dynamique, de deux thèmes principaux formant entre eux le plus frappant contraste.

Cette lutte dramatique entre les sentiments de vaillance et de désolation est profondément humaine ; c’est pourquoi elle est très belle.

L’allegro se termine par les accents déchirants du chant de désolation lancés fortissimo par le violon à l’aigu sur la chanterelle. Voici comment M. Vincent d’Indy s’exprime au sujet du deuxième mouvement : « L’andante (la bémol) est en forme de lied à cinq parties, c’est-à-dire que la phrase qui fait le fond de la pièce y reparaît trois fois, encadrant les deux périodes qui forment corps avec elle. »

La phrase principale de cet adagio cantabile est dans sa forme primitive admirable de clarté et de simplicité. Une douleur purifiée, noble, résignée y a fait place au chagrin sombre, concentré et violent du premier mouvement.

Lors du deuxième retour de la phrase fondamentale, le rôle du piano est totalement modifié. Pendant que le violon chante et pleure, il roule des gammes en triples croches semblables aux grondements d’un orage.

Quand elle reparaît pour la troisième fois, cette phrase est dite pianissimo dans la tonalité de fa, une sixte majeure plus haut. Elle est devenue une invocation à la divinité. Entre les deux strophes de cette prière jaillit une fusée de gammes rapides et sonores.

La tonalité de la bémol se réinstalle définitivement. Les sourds grondements du piano retentissent à nouveau, tandis que le violon en d’aériens pizzicati entremêle des notes exquisement et longuement filées.

Les deux périodes intermédiaires renforcent le caractère douloureux de la phrase fondamentale.

Cet adagio est une élégie noble et touchante. Accablée par l’excès de la douleur, la créature humaine pleure, aspire à la résignation, prie et finalement demeure impuissante à maîtriser d’instinctifs bouillonnements de révolte contre la destinée inexorable.

M. Vincent d’Indy parle e ces termes du troisième mouvement : « Le scherzo (forme menuet) est charmant. Le trio canonique présente un curieux combat de rythme entre le violon et les basses du piano. »

Ce scherzo est d’allure moins rapide que les autres scherzos de Beethoven. La tonalité d’ut majeur se maintient, non modifiée dans le corps du scherzo ainsi que dans le trio, ce qui est exceptionnel.