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Page:Revue Musicale de Lyon 1904-02-17.pdf/4

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revue musicale de lyon

Pendant cet élégant scherzo les plaintes et les accents désolés ont fait trève.

On les retrouve dans le quatrième mouvement.

« Le final, dit M. Vincent d’Indy, est bâti sur le plan du Rondeau français à refrain et à couplets dans lequel le refrain constitué en deux périodes distinctes, l’une rythmique et l’autre mélodique, est ramené quatre fois après chacun des trois couplets. »

Ces couplets et ces refrains n’évoquent certes ni joie ni gaieté.

Un sourd glas martelé dans le registre grave du piano, augmente peu à peu de sonorité et aboutit avec le secours de la main droite et du violon, à un accord formidable suivi d’un silence. Quatre mesures à peine sont jouées, l’effet produit est déjà considérable. Point n’est besoin au génie de longs développements pour s’imposer. Cette première période rythmique du refrain s’achève par une succession d’accords empreints d’une poignante tristesse brièvement et doucement scandés.

La deuxième période mélodique est tendrement plaintive. Son passage en majeur lorsqu’elle reparaît pour la seconde fois ne lui retire guère ce caractère. Après cette apparition en majeur, cette deuxième période redevenue mineure, fait le fonds d’intéressants développements en forme de canon.

Une série de noires vivement piquées constitue la trame du couplet qui, sauf sous son premier aspect, est de tonalité constamment mineure. Ce couplet respire une sombre et farouche énergie.

Un presto final est le digne couronnement de cette sonate. En son milieu un chant mineur d’une puissante et douloureuse envolée est lancé avec véhémence par le violon, puis par la basse. Ce quatrième mouvement et ce final produisent irrésistiblement une énorme impression.

Cette septième sonate est assurément de toutes la plus profondément émouvante, la plus dramatique. Elle marque le début de la deuxième manière de Beethoven. Elle est parcourue d’un bout à l’autre par un souffle puissant, comme du reste la plupart des œuvres du Maître écrites dans la tonalité d’ut mineur.

N’est-il pas indiqué de rechercher quel était l’état d’esprit de Beethoven quand il composa cette sonate ? Il traversait une crise morale tout à fait comparable à celle sous l’influence de laquelle il écrivit son fameux testament d’Heiligenstadt. Dès 1796, une atroce infirmité, la surdité, particulièrement cruelle pour un musicien, était venue affliger Beethoven. En vain les plus illustres médecins de Vienne avaient été consultés. La science était demeurée impuissante. Beethoven avait le plus ferme désir de dissimuler son infirmité. Il avait aussi besoin de repos physique et moral. Pour réaliser ce double but, il s’était dès le printemps de 1802, retiré dans une maisonnette isolée, cachée au fond d’un ravin perdu des environs de Vienne. C’est dans cette retraite absolue qu’il rédigea son célèbre testament d’Heiligenstadt, daté du 6 octobre 1802. Quel douloureux lamento ! Il y décrit en termes poignants l’affreuse désolation dans laquelle le plonge sa surdité. Il dit son profond chagrin d’être contraint de se tenir à l’écart de ses amis et des autres hommes afin de cacher son infirmité. Il termine par un généreux témoignage d’affection envers ses frères.

Voici quelques-unes des phrases les plus typiques : « Ma surdité me jette dans un profond désespoir et peu s’en est fallu que je n’en finisse avec l’existence. L’amour de mon art a seul pu me retenir sur cette pente fatale. Mon existence est si misérable que, grâce à mon impressionnabilité, je passe en un rien de temps de l’état le plus calme à la situation la plus lamentable ». — La patience voilà la seule ressource