Aller au contenu

Page:Revue de Paris - 1895 - tome 5.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
un autre monde

et sous les pieds d’un animal ou d’un homme. Ils passent aussi à travers l’eau, mais demeurent préférablement à la surface.

Ces Moedigen terrestres ne sont pas les seuls êtres intangibles. Il est une population aérienne, d’une merveilleuse splendeur, d’une subtilité d’une variété, d’un éclat incomparables, à côté de laquelle les plus beaux oiseaux sont ternes, lents et lourds. Ici encore, un contour et des lignes. Mais le fond n’est plus grisâtre ; il est étrangement lumineux ; il étincelle comme le soleil, et les lignes s’y détachent en nervures vibrantes, les centres palpitent violemment. Les Vuren, ainsi que je les nomme, sont d’une forme plus irrégulière que les Moedigen terrestres, et généralement ils se dirigent à l’aide de dispositions rythmiques, d’entrecroisements et décroisements que, dans mon ignorance, je ne puis déterminer et qui confondent mon imagination.

Cependant j’ai pris ma route à travers une prairie récemment fauchée : le combat d’un Moedig avec un autre attire mon attention. Ces combats sont fréquents ; ils me passionnent violemment. Quelquefois, c’est un combat d’égaux ; le plus souvent l’attaque d’un fort contre un faible (le faible n’est pas nécessairement le plus petit). Dans le cas présent, le faible, après une courte défense, se met en fuite, vivement poursuivi par son agresseur. Malgré la rapidité de leur course, je les suis, je réussis à ne pas les perdre de vue, jusqu’au moment où la lutte reprend. Ils se précipitent l’un vers l’autre, durement, rigidement même, solides l’un pour l’autre. Au choc, leurs lignes phosphorent, se dirigent vers le point de contact, leurs centres pâlissent et se rapetissent. D’abord, la lutte se maintient assez égale, le plus faible déploie la plus intense énergie, et réussit même à obtenir une trêve de l’adversaire. Il en profite pour fuir de nouveau, mais il est rapidement atteint, attaqué avec force et enfin saisi, c’est-à-dire maintenu dans une échancrure du contour de l’autre. C’est précisément ce qu’il avait cherché à éviter, en répondant aux chocs du plus fort par des chocs moins puissants, mais plus précipités. Maintenant, je vois toutes ses lignes trépider, ses centres battre désespérément ; et, à mesure, les lignes pâlissent, s’affinent, les centres s’imprécisent. Après quelques minutes,