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Page:Revue de Paris - 1895 - tome 5.djvu/13

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la revue de paris

la liberté lui est rendue : il s’éloigne avec lenteur, terne, débilité. L’antagoniste, au contraire, étincelle davantage, ses lignes sont plus colorées, ses centres plus nets et plus rapides.

Cette lutte m’a profondément remué ; j’y rêve, je la compare aux luttes que je vois parfois entre nos bêtes et nos bestioles ; je saisis confusément que les Moedigen, en somme, ne se tuent pas, ou rarement, que le vainqueur se contente de prendre de la force aux dépens du vaincu.

Le matin avance, il est près de huit heures ; l’école de Zwartendam va s’ouvrir : je fais un bond jusqu’à la ferme, je prends mes livres, et me voici parmi mes semblables, où nul ne devine les profonds mystères qui palpitent autour de lui, où nul n’a la plus confuse idée de vivants à travers lesquels passe l’humanité entière et qui traversent l’humanité, sans aucun indice de cette mutuelle pénétration.

Je suis un bien pauvre écolier. Mon écriture n’est qu’un tracé hâtif, informe, illisible ; ma parole demeure incomprise ; ma distraction est manifeste. Continuellement, le maître s’écrie :

– Karel Ondereet, avez-vous bientôt fini de regarder voler les mouches ?…

Hélas ! mon cher maître, il est vrai que je regarde voler les mouches, mais combien plus encore mon âme accompagne-t-elle les Vuren mystérieux qui vont par la salle ! Et quels étranges sentiments obsèdent mon âme enfantine, à constater l’aveuglement de tous et surtout le vôtre, grave pasteur d’intelligences !


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La période la plus pénible de ma vie, ce fut de douze à dix-huit ans.

D’abord, mes parents essayèrent de m’envoyer au collège ; je n’y connus que misères et déboires. Au prix de difficultés