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Page:Revue de Paris - 1900 - tome 4.djvu/400

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LA REVUE DE PARIS

gédie. Qui sait si, là-bas, sur un de ces grands fleuves pacifiques, ton âme ne trouvera pas son harmonie et si tes lèvres n’apprendront pas ce sourire, qu’elles ont tant de fois essayé inutilement ! Peut-être découvriras-tu à la même heure dans ton miroir un cheveu blanc et ce sourire. Va en paix ! »

Elle prépara son viatique.

Il semblait que, de temps à autre, passât dans le ciel de février le souffle du précoce renouveau.

— Sens-tu le printemps ? dit Stelio à son amie.

Et ses narines palpitèrent.

Elle se laissa légèrement aller en arrière, parce que son cœur défaillait ; elle offrit son visage au ciel tout parsemé de vapeurs comme de plumes tournoyantes. Le hurlement rauque d’une sirène se prolongeait dans le pâle estuaire, se faisant peu à peu doux comme une note de flûte. Il lui sembla que quelque chose s’échappait du fond de sa poitrine et se dispersait dans le lointain avec cette longue note, comme une douleur qui, peu à peu, se changerait en un souvenir.

Elle répondit :

— Le printemps est arrivé aux Trois-Ports.

Encore une fois ils voguaient à l’aventure sur la lagune, sur cette eau familière à leur rêve comme le tissu au tisseur.

— Tu as dit : « aux Trois-Ports » ? — s’écria le jeune homme avec vivacité, comme si un esprit se fût éveillé en lui. — C’est là, justement, près de la plage basse, qu’au coucher de la lune les marins font prisonnier le Vent, le Venticello, puis l’amènent chargé de liens à Dardi Seguso… Je te raconterai un jour l’histoire de l’Archi-orgue.

La façon mystérieuse dont il avait indiqué l’acte des marins fit sourire la Foscarina.

— Quelle histoire ? — demanda-t-elle, s’inclinant vers cette séduction. — Et que vient faire ici Seguso ? Est-ce du maître verrier qu’il s’agit ?

— Oui, mais d’un maître d’autrefois, qui savait le latin et le grec, la musique et l’architecture, admis dans cette Aca-