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Page:Revue de Paris - 1900 - tome 4.djvu/428

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LA REVUE DE PARIS

Elle fut simple, résolue, prompte.

— Non, pas à l’improviste, — répondit-elle. — Mon oisiveté dure depuis trop longtemps, et j’ai sur moi le poids de toute ma troupe. En attendant que le Théâtre d’Apollon soit ouvert et que la Victoire de l’Homme soit terminée, je vais prendre congé des Barbares. Je travaillerai pour ta belle entreprise. À refaire les trésors de Mycènes, beaucoup d’or sera indispensable ! Et il faut qu’autour de ton œuvre tout présente un insolite aspect de magnificence. Je ne veux pas que le masque de Cassandre soit d’une matière vile… Et surtout je veux avoir le moyen de contenter ton désir : que, pendant les trois premiers jours, le peuple ait libre accès au Théâtre, et que, par la suite, il continue à y entrer librement un jour chaque semaine. C’est ma foi qui m’aide à te quitter. Le temps vole. Il est nécessaire que chacun soit prêt, à son poste, et avec toutes ses forces, quand l’heure sera venue. Moi, je n’y faillirai point. J’espère que tu seras content de ton amie. Je vais travailler ; et, certes, cela m’est un peu plus difficile cette fois-ci que les autres, Mais toi, mais toi, mon pauvre enfant, quel fardeau tu as à porter ! Quel effort te demandons-nous ! Quelle grande chose attendons-nous de toi ! Ah ! tu le sais…

Elle avait commencé courageusement, sur un ton qui parfois semblait presque joyeux, s’efforçant d’apparaître ce qu’avant tout elle devait être : un bon et fidèle instrument au service d’une puissance géniale, une compagne virile et vaillante. Mais quelques ondes de son émotion réprimée lui échappaient, lui montaient à la gorge et passaient dans sa voix. Ses pauses devenaient plus longues, et ses mains erraient, incertaines, parmi les livres et les reliques.

— Que tout soit toujours propice à ton travail ! Cela seul importe, et le reste n’est rien. Haut les cœurs !

Elle secoua en arrière son front aux ailes sauvages et tendit à son ami ses deux mains. Il les serra, pâle et grave. Dans les chers yeux qui se firent semblables à une eau jaillissante, il vit passer ce même éclair de beauté qui l’avait ébloui un soir, dans la chambre où sifflaient les tisons et où se développaient les deux grandes mélodies.

— Je t’aime et je crois en toi, dit-il. Jamais je ne te