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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/873

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actuel de la France ne devait pas être considérée comme faisant obstacle à une pacification. Cette proposition ayant été écartée, il la renouvela presque aussitôt, sans plus de succès, à l’occasion de quelques pétitions qui demandaient la fin de la guerre. Fox, peu de semaines après, invita la chambre à se former en comité à l’effet d’examiner l’état du pays, alléguant particulièrement, pour établir la nécessité de cette mesure, le changement qui avait eu lieu, disait-il, dans l’opinion publique, au sujet de la guerre. Enfin, Wilberforce, vers la fin de la session, reproduisit, avec un léger changement de forme, la première motion de Grey, et ne réussit pas mieux à la faire accepter. Des tentatives analogues, faites simultanément à la chambre des lords, y échouèrent également, bien que, là aussi, l’opposition se fût un peu fortifiée. Dans ces débats, où Fox et Pitt firent assaut d’éloquence et de talent, on put remarquer quelle énergie nouvelle les succès de la révolution française inspiraient aux adversaires de l’administration. A l’entraînement chaleureux avec lequel ils peignaient la puissance irrésistible de la république, au sombre tableau qu’ils traçaient de l’épuisement de l’Angleterre, il était facile de reconnaître cette mauvaise joie qu’éprouve toute opposition lorsque la réalisation de ses plus sinistres pronostics, en donnant satisfaction à son amour-propre, fait luire à ses yeux l’espérance de voir succomber ses antagonistes sous le poids de la responsabilité que leur imposent les malheurs de la patrie : sentiment triste et odieux, mais auquel les ames les plus généreuses et les intelligences les plus droites ne savent pas elles-mêmes se soustraire complètement lorsque des convictions impérieuses ou un enchaînement de circonstances irrésistibles les condamnent à une hostilité systématique et prolongée contre le pouvoir. Pitt, tout en évitant de se mettre en contradiction formelle avec lui-même, s’attachait habilement, et par des gradations presque insensibles, à modifier son langage pour le conformer aux nécessités du moment et aux mouvemens de l’opinion. Il soutenait bien encore l’impossibilité d’une paix solide avec les hommes qui se trouvaient à la tête du gouvernement de la France, mais il admettait que ce gouvernement, occupé à se reconstituer, pouvait, d’un jour à l’autre, prendre un caractère tel qu’en traitant avec lui, on obtint des garanties suffisantes de l’observation des engagemens par lesquels on l’aurait lié ; il promettait, lorsque les choses en seraient venues là, de travailler sans retard à l’œuvre de la pacification, et il rappelait qu’à aucune époque, même dans les instans où la coalition semblait le plus près de triompher, il n’avait fait de la restauration de la monarchie