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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/144

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d’indiennes, on rejette promptement la comparaison qu’on serait tenté d’établir entre son art et celui du teinturier. En effet, le cas le plus fréquent, dans l’usage que fait des couleurs le premier de ces industriels, est évidemment l’impression de fonds couverts, sur lesquels se détachent des sujets diversement colorés. Si la couleur de ces sujets est assez foncée pour absorber celle du fond en s’y superposant, on l’applique à la manière ordinaire. Sinon, il faut à la fois anéantir la couleur du fond sur tous les points que doit occuper la figure, et conserver à celle-ci un encadrement aussi exact que possible. Une première solution de ce double problème nous est venue de l’Inde et de la Chine. Physique, mécanique ou chimique, suivant l’occurrence, elle a toujours pour effet de s’opposer à la fixation d’une couleur sur certaines parties du tissu qu’on désire réserver, et cela à l’aide d’une préparation dont on fera ensuite disparaître facilement les traces. Un autre moyen, l’inverse du précédent et reposant d’ailleurs sur le même principe, consiste à répandre préalablement sur le tissu la couleur en couches uniformes, puis à l’enlever par divers rongeans, suivant les contours du dessin. On rentre alors, selon l’expression consacrée, la figure dans les parties blanches, qu’on a, suivant le procédé employé, réservées ou enlevées.

La chimie prête même un secours encore plus complet au fabricant de toiles peintes, en lui préparant des couleurs d’une telle composition, qu’elles fonctionnent tantôt comme réserves et tantôt comme enlevages. C’est ainsi qu’une figure étant représentée sur un fond blanc, il est possible d’appliquer sur toute la surface du tissu une couleur qui, respectant les parties déjà imprimées, ne se fixe que sur celles restées blanches. Enfin on est parvenu à étendre sur une étoffe déjà teinte une autre couleur, qui, tout en détruisant la première aux points où elles sont mises en contact, vint en outre s’y substituer.

On comprend maintenant de quel ordre peuvent être les procédés employés pour la juxtaposition ou la superposition des couleurs dans l’art des tissus peints. L’analyse de ces procédés tient une grande place dans le livre de M. Persoz, et, grace à ses curieuses explications[1], on peut suivre l’étoffe, depuis le moment où elle sort des mains du tisserand jusqu’à celui où le manufacturier la livre au commerce, recouverte de ces figures dont la variété n’a plus maintenant d’autres bornes que les caprices du goût ou les oscillations de la mode. Résolvant alors le problème inverse, M. Persoz indique des moyens à la fois rapides, faciles et précis, de reconnaître, d’après le simple échantillon d’une indienne, les couleurs et les mordans dont celle-ci est chargée, l’ordre dans lequel ces divers agens y ont été déposés, et par quels procédés a été opérée l’adhérence. Ce système d’essai, entièrement nouveau, est essentiellement propre à l’habile chimiste. Nous n’avons pas besoin d’insister sur l’intérêt que doivent avoir de pareilles indications pour le légiste appelé à se prononcer sur certaines questions de jurisprudence commerciale ou même de médecine légale.

L’impression n’exerce aucune influence sur la qualité et la durée des tissus ; c’est, à proprement parler, un objet de luxe et de mode. A ce titre, la partie du dessin y est, sans contredit, d’une haute importance. Dans l’origine surtout, alors qu’on ne pouvait employer qu’un petit nombre de couleurs, c’est sur l’art

  1. Ces explications sont singulièrement facilitées par l’intercalation dans le texte de quelques centaines d’échantillons, qui font réellement passer les diverses phases de la fabrication sous les deux du lecteur.