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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/432

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compliquées et les plus volumineuses. Encore un encouragement à la construction d’un grand chemin de fer transversal. Le jour où les mines du nord, du midi et de l’ouest seront accessibles pour elle, et où tous les grands débouchés intérieurs et maritimes se trouveront directement reliés à Madrid, la métallurgie madrilègne se développera dans d’immenses proportions.

L’accroissement de population, et par suite de consommation, qui résultera pour Madrid de sa transformation, naguère si imprévue, en centre industriel et commercial, réagira tôt ou tard sur son travail agricole. La stérilité du terroir environnant n’est qu’apparente. Partout où l’on a pris la peine de faire circuler un peu d’eau, une végétation magnifique est venue défier l’incurie madrilègne, et l’eau est ici beaucoup plus abondante qu’on ne croit. Dans les bas-fonds, on la trouve presque à fleur de terre, et quelques appareils hydrauliques, aussi simples que ceux qu’emploient nos maraîchers, suffiraient à convertir ces arides bas-fonds en jardins. Quant à la fécondation des plateaux élevés, ne serait-il pas possible d’utiliser à peu de frais les nombreux aqueducs qui, de dix et douze lieues à la ronde, viennent alimenter les cent trente-sept fontaines de Madrid ? Ajoutons qu’une compagnie, formée il y a déjà plusieurs années, se propose de terminer le petit canal de Guadarrama, qui pourvoira à l’irrigation de plus de trente mille mètres carrés de terrain aux portes mêmes de Madrid.

L’avenir intellectuel de Madrid s’annonce plus brillant encore que son avenir matériel. La révolution, en ruinant les grandes universités de province et en refoulant dans la capitale cette multitude d’existences déclassées qui est partout le principal foyer de l’activité morale, est venue dessiner très nettement la suprématie littéraire et scientifique que Madrid devait, depuis près de trois siècles, à la présence de la cour. Madrid compte, à l’heure qu’il est, dix-sept académies ou sociétés analogues. Voilà bien des académiciens ; mais, manie pour manie, il faut se féliciter de celle-là, qui décèle, faute de mieux, dans le public madrilègne, des goûts intellectuels très prononcés. Les chefs-d’œuvre apparaissent tôt ou tard là où ils savent qu’un public les attend. Madrid ne se borne pas, d’ailleurs, à attendre ; il a déjà beaucoup produit. Brusquement initiés à la vie politique et ballottés, durant dix ou douze ans, entre mille vicissitudes qui ne laissaient à aucune coterie locale le temps de s’enraciner, les électeurs espagnols se trouvaient naturellement attirés vers les noms qui avaient une notoriété publique, de sorte qu’il n’est guère d’écrivains un peu distingués qui n’aient été envoyés au parlement, c’est-à-dire à Madrid. Aucun d’eux n’a été ingrat envers sa première renommée : qu’il soit député, sénateur ou ministre, l’écrivain espagnol tient avant tout à rester écrivain. La plupart