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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/433

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des livres marquans de l’Espagne sortent ainsi des imprimeries de Madrid. De là aussi la supériorité incontestée qu’a su conquérir, dès le début du nouveau régime, la presse madrilègne, bien que les journaux de province fussent aux véritables centres de l’action révolutionnaire. Les tendances littéraires de Madrid se seraient bien plus rapidement développées encore sans la manie de ces traductions qui, au théâtre, dans les livres, dans les feuilletons, ont disputé, pendant quinze ans, aux ’écrivains nationaux leur place au soleil. Une réaction commence, du reste, à se manifester. Les principaux journaux de Madrid prêtent déjà de préférence leur publicité à la littérature indigène, et le gouvernement vient d’affecter un théâtre à la représentation des ouvrages exclusivement nationaux. Concluons par des chiffres : une université de premier rang, qui donne l’enseignement supérieur à près de 5,000 élèves, et d’où sortent annuellement près de 1,100 gradués, treize écoles spéciales, quatre bibliothèques, vingt et une collections d’archives, dix musées, collections ou dépôts scientifiques, un observatoire, quatre théâtres non lyriques, sans compter de nombreuses troupes d’amateurs, cinquante et un journaux et recueils périodiques de toute nature, d’innombrables imprimeries enfin, dont une seule a jeté, en 1847, dans la circulation près de 183,000 volumes, fournissent tour à tour des recrues, des matériaux, des débouchés au mouvement intellectuel de Madrid dans ses trois principales manifestations : littérature, presse, sciences.

Un conservatoire de musique et de déclamation, trois théâtres lyriques, trois musées, voilà le lot officiel des arts proprement dits. C’est déjà beaucoup moins, et l’intérieur du sac ne répond même pas à l’étiquette. Et d’abord, comme il est matériellement impossible que trois théâtres lyriques, même en se résignant tour à tour à des repos forcés, puissent faire leurs affaires dans une ville qui, avec quatre autres théâtres, n’a pas 240,000 ames de population, Madrid ne sait retenir ni bons chanteurs, ni bons compositeurs. On n’y entend guère que l’opéra italien, desservi presque toujours par des compagnies nomades. Ajoutons que les autres théâtres admettent le ballet, qui, à Paris et à Londres, est l’appât qui recrute une bonne partie du public d’opéra.

Quant aux arts du dessin, l’Espagne vit un peu sur son passé. La révolution, qui a si puissamment surexcité le mouvement intellectuel proprement dit, a porté de rudes coups à la peinture et à la sculpture en réduisant les fortunes particulières et en fermant les couvens. M. Frédéric de Madrazo et deux ou trois autres maîtres soutiennent cependant avec un certain éclat la vieille renommée de la peinture espagnole, qui, si elle doit renaître, ne renaîtra qu’à Madrid, car là sont les amateurs les plus riches et les plus éclairés. On peut y compter Jusqu’à huit galeries particulières que plus d’un grand musée envierait. La