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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/624

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REVUE DES DEUX MONDES.

— Adieu, dit-elle d’une voix ferme, adieu ! Évitons un attendrissement qui m’enlèverait mon courage. Je retourne là-bas, sur le champ de bataille, et je jure d’en rapporter mon honneur, qui est tombé dans la mêlée comme le bâton de M. le prince à Rocroy.

Dame Simonne, subjuguée par l’accent passionné qui accompagnait ces paroles, demeura muette et immobile. Elle se mit à la fenêtre pour suivre du regard sa fille, qui marchait à grands pas dans la direction de Saint-Maur. Au moment d’entrer sous les premiers arbres du bois de Vincennes, Claudine s’arrêta pour jeter un dernier coup d’œil en arrière. Elle porta une main à ses lèvres, agita son mouchoir et disparut.

VII.

La cour du château de Saint-Maur était pleine de chevaux et de valets d’écurie. Les petits-maîtres s’apprêtaient à enfourcher leurs montures pour aller braver en face la reine et le cardinal. M. le prince, qui ne se doutait point de ce qui l’attendait au Louvre, souriait en voyant les airs conquérans de ses gentilshommes. Il descendait les degrés du perron avec M. de La Rochefoucauld, lorsqu’une jeune fille, qui s’était glissée dans la foule, se présenta devant lui.

— Monseigneur, dit-elle, excusez mon indiscrétion. Vous êtes couvert de gloire ; moi, je n’ai que ma petite réputation d’honnête fille. Ne souffrez point qu’elle me soit lâchement ravie par un de vos amis !

— Ma belle, répondit le prince, c’est ici un conseil de guerre et non point une cour d’amour. Nous jugerons votre procès plus tard. Il s’agit d’une affaire galante avec M. de Bue, n’est-ce pas ? Cela ne presse point. Revenez demain. Je vous promets toute l’attention et toute l’indulgence que vous pourrez souhaiter ; mais, si j’en crois les apparences, votre conscience n’est pas nette. Vous ne citerez pas à mon tribunal MUE de L’Orme, et vous n’exhiberez point certain bracelet dont l’origine paraît enveloppée de nuages. Votre père m’a tenu des propos de coquin, et mieux vaudrait vous taire que d’ajouter l’effronterie à des péchés d’alcôve pour lesquels, après tout, on ne vous pendra point.

— 11 ne s’agit pas de galanterie, reprit Claudine avec énergie, mais d’un crime que les lois condamnent. Écoutez-moi de grâce, et je confondrai le traître qui me ravit l’honneur par un mensonge, après avoir voulu me l’ôter par des violences contre ma personne. Votre altesse, d’ailleurs, se trompe en disant que je ne citerai point M"’de L’Orme. J’appellerai, au contraire, son témoignage, et, quant au bracelet qu’elle

% m’a donné, j’en ferai connaître l’origine.

— Oh ! voilà qui est grave, dit le prince. Monsieur de Bue, préparez votre défense, car nous vous ferons votre procès en règle. Aujourd’hui