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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/637

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LA BAVOLETTE.

En sortant de la rue Saint-Côme, le duc de Boutteville se rendit chez sa sœur, qui avait épousé M. de Chàtillon. Le grand Condé s’y trouvait. Quand son cousin vint à dire en quel état il avait vu la bavolet te de Saint-Handé, M. le prince poussa un cri de surprise et de joie.

— La bonne histoire ! dit-il en riant. Claudine ayant maison ! Claudine courtisée par la fleur de nos gentilshommes, encensée par les poètes et tenant académie ! Par Dieu ! j’en suis ravi. Elle doit être charmante et bien demoiselle dans ses airs et son maintien, car je l’ai toujours considérée fort au-dessus du bavolet. Savez-vous que nos précieuses en doivent enrager ? Pour mettre le comble à leur dépit, je veux aller chez ma protégée en grand équipage, et je crierai par-dessus les toits que le salon d’Arthénice est un cabaret auprès du délicieux séjour de Saint-Côme.

Un saisissement profond parcourut les rangs des habitués à l’entrée du premier prince du sang dans la maison de MUE Simon. L’émoi gagna jusqu’à M. d’Estrées lui-même. Claudine marcha au-devant du héros de Rocroy avec autant d’assurance que de gravité.

— Monseigneur, lui dit-elle, ce que vous voyez ici est votre ouvrage. C’est pour avoir contemplé de près le soleil de votre gloire et de votre génie, c’est pour avoir recueilli de votre bouche un mot d’encouragement, comme une rosée bienfaisante, que l’émulation a poussé dans mon pauvre cœur. Je vous dois tout, mon amour du bien, mon envie de plaire, mon goût pour les jouissances de l’esprit et l’estime des personnes qui m’entourent.

Le prince baisa la main de Claudine de la meilleure grâce du monde.

— J’admire donc mon ouvrage avec un plaisir infini, mademoiselle, répondit-il ; mais vous attribuez au soleil de ma gloire plus de fécondité qu’il n’en a. L’amour du bien avait été semé dans votre cœur de la main de Dieu. J’ai rendu mes devoirs à des tètes couronnées, et j’ai baisé des mains royales, jamais pourtant avec plus de respect que celui dont je suis pénétré en ce moment. C’est devant la vertu, la constance dans le bon chemin, le courage et l’envie de bien faire que je m’incline. La beauté, car la vôtre est éblouissante, les grâces et l’esprit ne viennent qu’à la suite. Messieurs, j’étais le premier en date dans l’amitié de Mlle Simon. Ne soyez donc point jaloux de mes libertés. Après avoir été son protecteur, je me déclare avec vous son admirateur, l’un de ses courtisans, et membre de son académie.

— Celui-là aussi ! murmura M. d’Estrées ; celui-là aussi était de ses amis avant moi ! Vous verrez qu’elle connaîtra le foi un de ces matins. Quant au respect de M. le prince pour notre amie, il n’a pas grand’peine à surpasser celui dont ce héros refuse obstinément le tribut à la reine.