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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/513

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SOTILEZA. 507 de Louisa en agitant avec violence les pans de sa jupe. Morte de peur, elle s’accrocha au bras d’André, ferme et immobile comme la branche d’un chêne. — Serre fort mon bras, et n’aie pas peur, lui disait-il, car moi, le vent a beau souffler, il ne m’enlèvera pas. Et Louisa s’accrochait à deux mains, et se rapprochait du chêne avec tant d’anxiété qu’André, s’il eût été lui-même moins préoccupé, aurait pu sentir sur son bras droit les battemens du cœur de son amie, principalement pendant le long moment qu’ils restèrent sur le Môle, tandis qu’on ouvrait chez don Silverio Trigueras et que Tolin demeurait privé de la jolie compagne qui s’appuyait si dou- cement sur lui. Dès qu’André se vit dans le calme relatif d’une rue de der- rière, il dit à Louisa, comme pour la tranquilliser, et surtout pour dire quelque chose : — Tu trouves qu’il fait du vent, mais ça soufflait encore bien plus cet après-midi. A quoi Louisa répondit immédiatement et sans le moindre ton de plaisanterie : — Eh bien! si j’avais été le vent cet après-midi, je t’aurais fait faire un joli plongeon, je t’assure. André sentit une montée de chaleur embraser son visage. Il se souvint d’une chose toute pareille qu’il avait dite à Sotileza quand tous deux s’abritaient contre les vagues de la baie sous une même capote. Il ne craignit pas que Louisa l’eût entendu... mais elle pouvait bien l’avoir vu. — Eh bien! tu as un bon cœur! répondit-il, assez penaud, à l’estocade de son amie. — Ce n’est pas avoir mauvais cœur que de faire ces choses-là, qui sont des punitions nécessaires, et même des œuvres de cha- rité, si tu m’en crois. — Punitions!... Oluivres de charité!... s’écria André, com- mençant à perdre patience; et qu’est-ce que j’ai fait de mal cet après-midi? — Mon cher, lui répondit Louisa d’un ton résolu, oxacloment je ne le sais pas, parce que la voile cachait plus de la moitié de la barque, cl d’ici je n’ai vu que trois paquels mouillés, i

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saient mal au cu’ur. — Je tenais le gouvernail, déclara André, résigné à passer pour un des paquets qui faisaient mal au cu’ur, pourvu que Louisa