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l’organisation sociale. La tâche excédait donc les forces de Baker.

Une année entière se passa, pendant laquelle les pays nouvellement annexés restèrent sans direction. Enfin, en 1874, Gordon fut nommé « gouverneur général des provinces égyptiennes de l’Equateur. » Au service de l’œuvre dont il prenait charge, il mit ce haut sentiment du devoir qui domina sa vie, et cette activité qui étonnait tant ses subordonnés, que l’un d’eux me le définit un jour sous cette forme pittoresque : « Gordon ? un homme qui n’aimait pas à s’asseoir. »

Pendant trois années, de 1874 à 1876, il eut le courage de demeurer sur le Haut Nil, presque seul, la mort ou la maladie l’ayant privé de la plupart de ses lieutenans.

De ses diverses entreprises, Gordon en mena deux à bonne fin. La première fut d’augmenter beaucoup le nombre des postes égyptiens. Il en créa deux sur le Sobat, l’un fut établi dans un lieu particulièrement bien situé, au confluent de la rivière et du Nil Blanc ; l’autre — auquel par un singulier contresens, des voyageurs Européens ont donné le nom de Nasser, sans se douter que ce terme désigne simplement la fonction de chef de poste — était placé en amont sur la rivière, à peu près à l’endroit où M. de Bonchamps, venant d’Abyssinie, s’est arrêté en 1897. Plusieurs postes jalonnèrent le cours même du Nil : Gaba-Chambé, Bor, Redjaf, Laboré, Doufilé. Deux autres furent fondés, l’un à l’ouest du ileuve, dans le Makraka, l’autre à l’est, dans le Latouka. Enfin, Lado devint le centre principal de la province, à la place de Gondokoro, lieu fiévreux et malsain qu’on abandonna.

Gordon réussit encore à lancer deux petits vapeurs, le Khédive et le Nyanza, sur la partie du Nil navigable en amont de Doufilé. Après les avoir préalablement démontés, il les transporta avec une peine extrême et non sans perdre beaucoup d’hommes, au-delà des rapides qui s’échelonnent sur 150 kilomètres de Doulilé à Kiri.

Il eut moins de succès en Ouganda. Trois ans de suite il envoya des missions, que commandèrent Chaillé Long en 1874, E. Linant de Bellefonds en 1875, Emin en 1876. Ils publièrent tous trois en leur temps des récits de leurs voyages, mais, comme toute allusion politique en a été soigneusement écartée, on est réduit à des conjectures sur l’objet que se proposait Gordon. On ne sait donc pas s’il espérait enlever le commerce aux Arabes de Zanzibar et le détourner vers le Nil, ou bien s’il préparait de