Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commandement, et prendre directement l’ordre du Roi. Il allait donc jouer au chef d’armée. Ce n’est pas faire tort à sa profondeur et à sa sensibilité de dire qu’il y avait là de quoi lui faire oublier sous-précepteur et gentilshommes de la manche disgraciés. Il employa les mois qui suivirent, le camp ne devant avoir lieu qu’à la fin d’août, à se préparer à son nouveau rôle, non pas seulement en repassant les principes d’instruction militaire que son sous-gouverneur Denonville avait pu lui donner, mais en s’entraînant aux marches forcées par la grosse chaleur. « Monseigneur le duc de Bourgogne, rapporte Dangeau, alla à Maisons au pas et en revint, pour s’accoutumer à marcher le train qu’il faut à la tête des troupes qu’il commandera au camp. » Et il ajoute aussitôt, sans sentir l’ironie du rapprochement : « Monseigneur alla courre le loup[1]. »

Cependant le Roi ne négligeait rien pour que le camp fût digne de celui qui allait en avoir le commandement fictif. Il décida que le nombre des bataillons qui devaient y prendre part serait de cinquante, composés de sept cents hommes chacun. À ces troupes d’infanterie devaient s’ajouter cinquante-deux escadrons de cavalerie, de cinquante hommes chacun, quarante pièces de canon, six mortiers et huit pontons[2]. Cela faisait un rassemblement d’une soixantaine de mille hommes environ. Il nommait en même temps, pour servir sous Boufflers, six officiers généraux, et attachait dix aides de camp à la personne du duc de Bourgogne. Il entrait par avance jusque dans le moindre détail des mouvemens qui devaient avoir lieu. « Sa Majesté, avant l’assemblée de l’armée, dit à deux reprises le document que nous avons cité, avoit fait un mémoire écrit de sa main des choses dont Elle vouloit que Mgr le duc de Bourgogne fût instruit, et de tous les mouvemens que feroit l’armée pendant son séjour au camp. » Ces choses dont le Roi voulait que le duc de Bourgogne fût instruit concernaient la manière de donner les ordres, la distribution du pain, de la viande et du fourrage aux troupes, l’organisation d’un hôpital. Quant aux mouvemens, ils devaient comprendre un fourrage, une séparation de l’armée en deux, une escarmouche, une canonnade, le passage d’une rivière à gué, un combat général, l’investissement, l’assaut et la capitulation d’une

  1. Dangeau, t. VI, p. 390.
  2. Dépôt de la Guerre. Camps et Manœuvres. Copie du Mémoire écrit par la main du Roy pour le camp de Compiègne.