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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/419

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juges d’instruction, revient à la population errante. A la vérité, cette allégation ne saurait s’appuyer sur des documens officiels, sur des élémens d’une précision mathématique, puisque la statistique ne peut en saisir les données ; mais les conjectures dont elle relève sont le résultat d’un élémentaire calcul de probabilités, déduit des chiffres mêmes de la statistique et fondé sur les notions que nous possédons de la vie des vagabonds. A cet égard, l’examen des crimes et délits classés sans suite, sous la rubrique « auteurs inconnus, » va nous fournir des chiffres intéressans :

Le nombre des meurtres et assassinats par auteurs inconnus, avons-nous dit, s’est élevé de 119 en 1845 à 215 en 1895, et il s’est accru de 18 à 40 pour 100, c’est-à-dire qu’il a plus que doublé. Le nombre des vols par inconnus est passé de 13 474 en 1845 à 66 278 en 1895, et la proportion a varié de 54 à 73 pour 100. Donc le nombre des criminels restés inconnus a augmenté dans de notables proportions, parallèlement à celui des vagabonds et des mendians. Parmi les condamnés pour assassinats et meurtres, on comptait, en 1845, 3 pour 100 de vagabonds ; on en compte en 1895 7 pour 100 (plus du double). De 1845 à 1895, le nombre des vagabonds condamnés pour attentats aux mœurs sur des enfans a plus que quadruplé et nous avons vu que le chiffre total des vagabonds a aussi quadruplé dans le même espace de temps, alors que le chiffre de la population était loin de progresser dans les mêmes proportions.

Ainsi donc, nous constatons un accroissement notable du nombre des crimes réprimés commis par des vagabonds. D’autre part, c’est surtout dans les régions fréquentées par cette catégorie d’individus que l’on rencontre le plus grand nombre de crimes et délits impunis, sans que cet accroissement corresponde à un égal accroissement de la population. Il est donc certain que l’augmentation du nombre des vagabonds s’est en même temps traduite par une augmentation du nombre des criminels. Mais il s’en faut de beaucoup que la population des vagabonds criminels condamnés soit la même que celle des vagabonds criminels inconnus. Sur 100 condamnés pour assassinat et meurtre en 1895, il y avait 7 vagabonds ; mais sur 100 crimes de cette nature dont les auteurs sont restés inconnus, il y avait fatalement plus de 7 vagabonds : autrement, la proportion des inconnus égalerait celle des condamnés, ce qui n’existe même par pour les individus domiciliés. En ce qui concerne les crimes commis par des vagabonds,